L'histoire de ce
navire présente un cousinage certain avec une autre chanson déjà
publiée dans ce blog : la petite galiote (1). Les deux se
terminent dans l'estuaire de la Loire, l'une à Saint Nazaire,
l'autre sur la rive sud, à Paimboeuf, jadis port important.
Cette chanson
mélange deux versions d'aventures maritimes. La première est une
chanson de corsaires qui raconte un combat naval à trois contre un.
La seconde fait état des dangers de la navigation dans le gros
temps.
Pour le
folkloriste canadien Marius Barbeau (2) « c'est une chanson
qui date de la période des corsaires et des grandes aventures
navales du 15ème au 17ème siècles». D'après lui les textes
retrouvés au Québec ont du traverser les mers entre 1640 et 1680,
mais à ces dates avaient déjà vieilli. Si la petite galiote
voyageait vers le Brésil, ce sont les Caraïbes qui semblent être
la destination de la frégate.
Les thèmes
communs à toutes les versions sont : les trois navires
(flamands) qui attaquent la galiote et le refus de se rendre, pour le
combat naval ; la tempête qui tombe sur les voiles et la mature
pour la seconde version, et dans tous les cas, les charpentiers qui
mettent le bateau étanche.
pour lire la suite et écouter la chanson:
Quelles que soient
les aventures subies, la fin est identique : le retour au pays
est annoncé à grands coups de canon pour saluer la ville et « faire
assavoir » que le navire arrive.
Le terme assavoir,
toujours employé avec faire est une expression très ancienne. Elle
est tombée en désuétude après avoir survécu jusqu'au 19ème dans
des circulaires administratives ou militaires avec le sens d'informer
de façon officielle.
Nos marins
avertissent les bourgeois de la ville. Le message est probablement
destiné aussi aux filles du lieu. Une des versions notées par
Barbeau sur les bords du Saint Laurent est assez explicite :
Et vous jeunes
coquettes qui portez jupons blancs
si vous saviez
sur mer ce qu'on a de misère
Vous viendriez
à nous d'un cœur tendre et sincère
Ça ne vous
rappelle rien ? Reportez vous deux semaines en arrière aux
lamentations du mousse qui embarque à bord de la Bretagne : et
vous jeunes fillettes ...le propos est le même ; la forme
aussi.
Enfin, comme nous
l'avons déjà observé pour une autre chanson (3) qui se rapporte à
un combat maritime, nous avons encore le choix dans la date (4) entre
toutes les versions : 25 ou 27 septembre, 22 ou 25 octobre, 27
novembre...c'est étrange chez le marin ce besoin de faire des
phrases avec le calendrier !
La chanson est suivie d'un court
instrumental que vous aurez probablement reconnu. Il s'agit du fameux
« Soldier's joy » un air connu dans tout l'Atlantique
nord : Suède, Danemark, iles britanniques et Etats Unis.
Cette mélodie de danse a été notée pour la première fois en
Ecosse par Josuah Campbell en 1779. Elle a aussi été adopté en
France où on la rencontre sous forme de pas d'été, dans le Poitou,
mais aussi en Pays Nantais (5)
Notes
1 – chanson n°
2 – mai 2013 – la petite galiote
2 – dans « le
rossignol y chante » de Marius Barbeau – éd. Musées
nationaux du Canada (1979) – pages 437 et suivantes
3 – chanson n°
22 septembre 2013 – le vingt et un du mois de mars ou la mort du
quartier maître (ou du colonel)
4 - Oui, je sais,
j'avais promis de ne plus le faire. Difficile de résister à l'appel
du contrepet.
5 - D'après
Fernand Guériff – tome 4 des chansons du pays guérandais (danses
et répertoire enfantin) page 134.
collecté par Abel Soreau le 20
septembre 1895 - chanté par E. Porcher de St Nazaire, mais
originaire de Prinquiau, 80 ans
interprètes : Martine
Lehuédé (chant) Jean-Louis Auneau (concertina)
catalogues : Coirault : 7108
– la galiote qui s'en va au Brésil - Laforte :
II K 08 Navigation périlleuse – la petite galiote
Le vingt et deux octobre
Le vingt et deux octobre, tous prêts
pour naviguer
Dessus une frégate nous nous sommes
embarqués
Nous nous sommes embarqués en prompte
diligence
C'était pour aller sur les îles de
France
Quand nous fûmes hors rivière, cinq
cent lieux sur l'eau
J'avons fait la rencontre : c'est trois
gros vaisseaux
Petit navire français os'rais-tu 'y
défendre ?
Trois gros navires anglais sont venus
pour t'y prendre
Le capitaine avance, hardi comme un
lion
A pris son épée claire et montit sur
le pont
- Si nous devons mourir, que
l'seigneur nous écoute
Mettons les voiles au vent et suivons
notre route !
Mais quand nous fûmes aux îles, aux
îles de Saint-Vincent
Le tonnerre, les éclairs, et les
dragons volants
Et les dragons volants qui sur nous se
déchaînent
A la fois plus de cent y tomba sur nos
vergues.
Nous avions forc' bonhommes calfats et
charpentiers
Qui nuit et jour travaill' c'est pour
nous étancher
Ils ont tant travailler, ils nous mis
étanches
Par la grâce de Dieu, somm's revenus
en France
En arrivant en France, tir' un coup de
canon
Pour saluer Paimboeuf, Paimboeuf et le
Migron
Pour saluer Paimboeuf, les bourgeois de
la ville
Et lui faire assavoir que le navire
arrive
Les bourgeois de la ville sont tous au
bord de l'eau
Pour voir ce beau navire chargé de
matelots
Pour voir ces matelots revenant de la
guerre
N'y a bien six ans au moins qu'ils ont
mis pied à terre
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