Voici une version locale d'une chanson
très connue dans la marine, recopiée par F. Guériff du cahier de
chansons d'un marin nazairien. Adieu, cher camarade se classe
dans la catégorie des chansons de gaillard d'avant. C'est à dire de
celles qui se chantaient dans la partie du bateau réservée à
l'équipage. Les officiers ne pouvaient guère apprécier un texte
qui dénonce les injustices et encourage la contestation. Ceux de la
marine nationale l'avaient fait interdire. Elle a pourtant été
collectée à de nombreuses reprises sur les côtes de France et
ailleurs puisque ce texte a aussi été adapté par des soldats de
l'armée de terre (1).
Adieu cher camarade n'a rien
d'une chanson originale. Elle a été chantée et rechantée par à
peu près tous les groupes de chants de marins qui sévissent l'été
dans les fêtes de la mer. Vous les reconnaîtrez facilement :
ils portent le même tricot rayé qu'Arnaud Montebourg.
La première
édition de cette chanson figure dans le volume 3 de l'anthologie des
chansons de mer du Chasse Marée, sous le titre « la triste vie
du matelot ». C'est Arnaud Maisonneuve qui le menait. Les notes
de ce disque parlent du navire la ...
pour écouter la chanson et lire la suite
...Bretagne comme d'un cuirassé coulé
par la flotte anglaise en 1940. Ceci paraît improbable, la chanson
étant bien antérieure à ce navire.
Guériff donne deux versions de cette
chanson dont une seule titrée « A bord de la Bretagne »
. En fait, plusieurs bâtiments ont porté ce nom :
- un navire de guerre à 100 canons, du
18ème siècle,
- un paquebot, construit par les
chantiers de Penhoët, qui fit la guerre de 14-18 comme navire
hôpital.
- Le cuirassé qui fut coulé à Mers
el Kébir en 1940
- un ferry, toujours en service pour la
Brittany-Ferries
- et - c'est celui qui nous intéresse
- un vaisseau rapide à 130 canons conçu sous Napoléon 3 (2).
Ce bâtiment n'a pas eu de chance.
Équipé pour la voile, il a été transformé avant d'être fini
pour recevoir la propulsion à vapeur. Après seulement dix années
de service La Bretagne a été rayé des listes de la flotte
pour servir d'école aux novices et apprentis marins en rade de
Brest. Il est définitivement retiré fin 1879, puis remorqué à
Landévennec pour y être démoli.
Voilà qui nous renseigne sur la
période où a été arrangée notre version. Le matelot qui l'a
copiée était en service sur le dragueur de mines Fouine. La
seule information que nous avons pu retrouver sur un navire de ce nom
fait état d'un patrouilleur en service de 1916 à 1919.
Quelques expressions de cette chanson
méritent aussi des explications :
Les castors dont il est question n'ont
rien à voir avec les sympathiques rongeurs bâtisseurs. Le terme
argotique, désigne ici les jeunes matelots, les mousses. Ceux qui
faisaient donc leur apprentissage sur « la Bretagne ».
Il désigne encore dans l'argot de la marine un officier qui évite
l 'embarquement. Enfin il est aussi synonyme de « pédéraste
passif » (3). Vraiment dure la vie du matelot !
Le corsey, c'est la fameuse
« garcette ». Un petit cordage court, servant à amarrer
un équipement du bateau (seau, casier, voile, etc.) mais tristement
célèbre comme instrument de punition. Ceci bien que cet usage soit
officiellement interdit par le règlement depuis 1849 !
Enfin, si l'habit ne fait pas le moine,
le nom ne fait pas non plus le marin. Le matelot dont Guériff a
recopié le cahier s'appelait Jean Coulait ; pas vraiment
prédestiné pour un marin.
notes
1 – Catherine Périer en a recueilli
une version adaptée au « triste sort des chasseurs alpins ».
On est donc loin du gaillard d'avant !
2 – source : wikipedia
3 – sources : langue
française.net et forum wordreference.com
source : chanson adaptée
d'après le cahier de chansons de Jean Coulait, à bord du dragueur
de mines Fouine – publié par F. Gueriff - tome 3 du Trésor des
chants populaires folkloriques du pays de Guérande – pages 350 &
351 – éd. Dastum 44 et Parc naturel régional de Brière
interprètes : Jean-Louis
Auneau, Dominique Juteau, Daniel Lehuédé
non répertorié dans les catalogues
Adieu chers camarades / A bord de la
Bretagne
Adieu, chers camarades,
Adieu, faut nous quitter
A bord de la Bretagne
A Brest il faut aller
En arrivant à bord
Nous voilà consignés
A l'officier de quart
Il faut se présenter
De là, on nous amène
Sur le gaillard d'avant
Les pieds, les mains liées
Autour du cabestan
C'était un second maître
Qui nous a amenés
Le corsey à la main
Il nous casse les reins
Oh mère, oh tendre mère
qu'as tu fait de ton fils
Marins c'est trop d'misère
Castors, c'est trop souffrir
J'ai servi ma patrie
J'ai un frère au berceau
Oh ! mère je t'en supplie
N'en fais pas un fayot
Dimanche et jours de fête
Faut nous voir travailler
Comme des bêtes de somme
Qui sont dans nos forêts
Qui sont dans nos forêts
Un jeune quartier maître
Nous dit : dépêchez vous
Les forçats de Cayenne
sont plus heureux que nous
Et si je me marie
Et que j'ai des enfants
Je leur casserai les membres
Avant qu'ils ne soient grands
Avant qu'ils ne soient grands
Je ferai mon possible
pour leur donner du pain
pour leur donner du pain
Le restant de ma vie
Pour qu'ils ne soient pas marins
Et vous jeunes filletes
Qui avez des amants
A bord de la Bretagne
Dans ce bateau flottant
Ne soyez pas cruelles
conservez votre amour
A ces castors fidèles
Qui triment nuit et jour
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