vendredi 26 décembre 2014

86 - O Bellerie

Pour ce Noël nous vous faisons cadeau d'une belle chanson publiée sur le double CD « Anthologie du patrimoine oral de Loire-Atlantique » (1). Elle est réinterprétée ici dans sa version extraite du concert Pour entendre chanter qui accompagnait à la fois la sortie de cette anthologie et les vingt ans de Dastum 44.
La souffrance des garçons congédiés par leurs maîtresses constitue un lieu commun des chansons amoureuses. Dans cette très belle mélodie, au demeurant rarement collectée, l’amant éconduit chasse son chagrin et trouve une consolation dans la boisson, thème récurrent de la chanson, y compris dans la création contemporaine (Jeff de Jacques Brel, Manu de Renaud, etc). La chanson est relativement atypique dans sa construction, notamment par la présence d’un premier couplet en forme d’appel.
écouter la chanson et lire la suite

Si cette chanson est assez rare, nous en avons quand même trouvé des traces dans deux régions proches. Jérôme Bujeaud, dans ses chansons du Poitou en cite deux couplets qui correspondent au premier et au quatrième de notre version. Plus récemment, un texte assez semblable a été noté à deux reprises en Mayenne, à Evron et à Meslay du Maine (2). Dans les deux cas la mélodie n'est pas très éloignée.
Geneviève Massigon a également publié plusieurs chansons acadiennes dans lesquelles se retrouvent des bribes de celle ci (3). Le plus intéressant c'est que l'une des versions s'adresse à la « belle Ori », les autres à Clorisse, ou Chloris (4). Mais la dispute entre amoureux n'utilise pas les mêmes arguments, bien qu'un couplet annonce « buvons donc de ce bon vin, à ta santé chère Catin ».
Dans notre texte, la mésaventure amoureuse prend également la forme d’une chanson à boire, si ce n’est d’un chant de table. Dans sa version mayennaise c'est carrément en chanson de conscrits que s'est transformée cette romance. Au texte semblable au notre, un dernier couplet est ajouté dans le style des chansons de soldats :
Qui a composé la chanson
C'est trois garçons du bataillon
Allant à la promenade
Leurs maîtresses à leur coté
En caressant Rosalie
Celle que mon cœur il aimait...
En cette période de l'année, il n'est pas besoin de chagrins d'amours pour se donner des raisons de boire. N'abusez pas trop ; les lendemains de réveillons sont parfois difficiles.
A bientôt

notes
1 – édité par Dastum 44 (cf page « nos éditions ») C'est trop tard pour vos cadeaux de Noël, mais pensez y pour l'année prochaine ; il ne reste plus que 364 jours !
2 – Chansons traditionnelles recueillies dans la Mayenne, par François Redhon (p. 161 et 249)
3 – Trésors de la chanson populaire française, autour de 50 chansons recueilles en Acadie - Geneviève Massignon – publié par la BNF.
4 - Chloris, ou Cloris, est une nymphe de la mythologie grecque. Le prénom n’apparaît que rarement si ce n'est dans des poèmes très anciens.

version originale enregistrée à Ligné, le 31 janvier 1967, par Jean Renaud – chantée par Joseph Rousseau - publiée dans l'Anthologie du patrimoine oral de Loire-Atlantique – Dastum 44 (CD n° 2)
interprètes : Nolwen le Dissez (chant) Hervé Dréan (guitare) – extrait du spectacle « Pour entendre chanter »
catalogue Coirault : 3604 – oh que j'ai donc du malheur

Oh, Bellerie

Verse-moi du vin, j'ai du chagrin
Oh, je m'y meure, ma mie, reviens !
Quand j'y pense à ma maîtresse
Je n’puis m'en réconsoler
J'avais tant d'amour pour elle
Mais l'ingrate, elle m'a changé

Oh, Bellerie
Un jour, par ton bel esprit
Par tes paroles engageantes
Et par ta rare beauté
Je ne saurais me défendre
Belle amie, que d’vous aimez

Aimez-moi ou n'm'aimez pas
Pour moi, je n'm'en soucie guère
Aimez-moi ou n'm'aimez pas
Pour moi, je n'm'en soucie pas
Je suis encore bien jeunette
Je n'ai pas encore quinze ans
J'ai 'core bien le temps d'attendre
D'y faire choix d'un autre amant

Avons-nous tous le verre en main
L'amour n'y sera plus rien
Prends ton verre et moi la pompe
Que je te tire du bon vin
Oh, adieu, ma jolie blonde
J'y pars demain au matin

Auparavant de vous quitter
Permettez-moi que j'vous embrasse
Auparavant de vous quitter
Permettez-moi d'vous embrasser
N’y soyez donc point si fière
Il y aura du changement
N’y sois donc point si sévère
L'amour n'a jamais d’printemps.

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