Le titre de cette chanson n'indique en
rien son contenu.Plusieurs commencent par ces simples mots. Elles se
terminent rarement bien ; et celle ci n'échappe pas à la
règle. Sauf si on considère que noyer son chagrin dans l'alcool
soit un remède efficace aux peines de cœur.
Nous avons à faire ici à une chanson
de départ et de retour d'un amant engagé pour l'armée. Voilà qui
tomberait bien pour illustrer la conférence que Dastum 44 présentera
mardi prochain aux archives départementales de Loire-Atlantique.
Mais malgré toute la cruauté de la guerre de 14-18 qui sépara
définitivement de nombreux amants, il reste un décalage avec ce
texte qui date de la période où l'engagement correspondait à une
séparation pour sept ans.
La correspondance avec d'autres textes
fait remonter cette histoire au 17ème siècle, c'est à dire...
écouter la chanson et lire la suite
... aux
désastreuses campagnes de Louis XIV. La chanson présente en effet
des similitudes avec bon nombre d'autres qui commencent sur le même
incipit : « j'ai fait une maitresse »(1). Du moins
jusqu'au troisième couplet. Les autres chansons correspondant à ce
type s'arrêtent à ce moment, après d'autres développements. Celle
ci, selon un procédé repris par le cinéma, fait l'impasse sur la
campagne militaire et nous projette directement au retour du soldat.
Les chansons de retour de guerre
envisagent toutes les possibilités. Tantôt la belle s'est mariée
et élève déjà plusieurs enfants ; tantôt le soldat arrive
juste avant le remariage, et le choix entre les deux amants est au
cœur de la chanson. Dans certaines versions on voit même les deux
prétendants se disputer leur femme au jeu. Parfois le revenant n'est
reconnu ni par les parents ni par la belle, ce qui donne lieu à des
fins dramatiques.
L'originalité de notre chanson de la
semaine c'est que le soldat semble plus ou moins accepter la
situation. Son amie s'est mariée. Au lieu de repartir au régiment
comme le « brave marin »(2), il se mêle aux garçons
sans soucis ; autrement dit à ceux qui choisissent la liberté
du célibat. Le dernier vers peut faire penser qu'on le retrouvera
dans la chanson de celui qui préfère caresser la bouteille !.
Une façon comme une autre d'oublier.
Nous devons encore une fois cette
chanson à Fernand Guériff (3) mais il ne l'a pas collectée lui
même. Elle provient du manuscrit de Gustave Clétiez, qui nota plus
de 200 chansons aux alentours de Guérande au 19ème siècle.
Clétiez, né en 1830 et décédé en 1896, était un artiste local,
musicien, collecteur mais aussi dessinateur. Il était titulaire des
grandes orgues de la collégiale Saint Aubin. Ses collectes sont
contemporaines de celles de Bujeaud en Poitou, c'est à dire la
période où le ministère de l'éducation incitait à recueillir les
« poésies populaires » pour les sauver de l'oubli.
notes
1 – la chanson la plus proche de
celle ci, connue sous le titre « l'engagement pour Bourbon »
daterait de 1670 (d'après Bujeaud)
2 - Brave marin revient de guerre tout
doux...probablement la plus connue des chansons de retour de l'armée.
3 - Page 132 dans le tome 1 des
chansons recueillies par Fernand Guériff. Série complétée par
trois tomes édités par Dastum 44. Un beau cadeau pour Noël !!!
(voir rubrique nos éditions)
Publiée par Fernand Guériff dans le
Trésor des chansons populaires et folkloriques recueillies au pays de
Guérande, volume 1, page 132
collecte – Gustave Clétiez
Interprétation : Daniel
Lehuédé
références : catalogue
Coirault : n° 3016 (pour une partie)
J’ai fait une maîtresse
J’ai fait une maîtresse, trois jours
y’a pas longtemps (bis)
Si Dieu me la conserve, je serai son
amant
J’ai reçu une lettre, en guerre me
faut aller (bis)
Et ma jolie maîtresse qui ne fait que
pleurer
Pleurez pas tant, la belle, je
reviendrai un jour (bis)
Au retour d’la campagne finiront nos
amours
La campagne fut longue : a bien
duré sept ans (bis)
Au bout de sept années, revient le
beau galant
Ouvrez, ouvrez la porte, la belle, à
votre amant (bis)
Qui revient de l’armée et de son
régiment
Monsieur, ce n’est pas l’heure,
l’heure ni le moment (bis)
Ma fille est mariée, elle a changé
d’amant
Apportez-moi ma flûte et mon tambour
joli (bis)
Que je donne une aubade aux garçons
sans soucis
Des garçons sans soucis, il n’y en a
guère ici (bis)
Il n’y en a qu’à l’auberge, pour
s’y bien divertir.
je suis arrivé sur votre site en passant par l'Italie :)----> https://youtu.be/Ja0l57zY-zg
RépondreSupprimerLes guerres sont les mêmes dans tous les pays je suppose..
Merci!