Les plaisirs de la table figurent en
bonne place dans tous les répertoires traditionnels. L'association
Dastum 44 prépare actuellement un CD consacré à ce thème. Nous
vous informerons bientôt de sa date de sortie. En attendant, pour
vous mettre en appétit, nous mettons au menu de cette semaine un
incontournable succès de la chanson alimentaire.
Cette composition qui célèbre la
place tenue par la pomme de terre dans notre alimentation n'est pas
pour autant un hymne à la patate. Elle se moque de la place
prépondérante du tubercule dans la société rurale. Après avoir
été longtemps considérée comme une nourriture tout juste digne
d'engraisser les cochons, la pomme de terre a connu un succès
international qui doit beaucoup, en France, à la persévérance de
Monsieur Parmentier (1). De nourriture dédaignée elle est devenue...
lire la suite et écouter la chanson
...un élément de base. A tel point que la patato-dépendance eut des
conséquences fâcheuses sur la vie de certaines populations. Dans
les campagnes de l'ouest le couple patates et lard constituait le
menu invariable des ouvriers agricoles une grande partie de l'année.
Mais surtout elle a amplifié la famine, en Irlande par exemple, en
restreignant les possibilités de nourritures de substitution pendant
la crise du mildiou.
Le procédé qui consiste à traiter un
sujet grave ou dramatique par la satire se retrouve donc ici. Il
n'est pas trop difficile de dater son origine, aux alentours de la
guerre de 1870, avec ses références aux prussiens. C'est pourtant
chez eux que Parmentier découvrit son usage. D'autres couplets sur
les prussiens, non enregistrés ici, les accusaient de se mettre des
fleurs de pomme de terre à la boutonnière en partant pour la
guerre.
Une fois n'est pas coutume, c'est une
version originale que nous vous proposons cette semaine.
Habituellement les chansons de ce blog sont réinterprétées par des
membres de l'association. Cette fois il s'agit du collectage, tel
qu'il a été publié dans le double CD « anthologie du
patrimoine oral de Loire-Atlantique » que vous pouvez vous
procurer en allant à la rubrique « éditions ».
note
1 - voir la chanson n° 49 de mars 2014 - le jardinier français
source : Anne-Marie
Couéron, à Sainte-Anne-sur-Brivet (44), le 23 novembre 2005
collectage : Janig Juteau –
archives sonores : Dastum 44 0013 09
la chanson des pommes de terre
Au temps du vieux père Simon (bis)
On ne mangeait que du jambon (bis)
Maint’nant qu’il est trop cher, eh
bien,
on mange des pommes de terre et vous m’entendez bien (bis)
on mange des pommes de terre et vous m’entendez bien (bis)
A déjeuner que mange-t-on (bis)
Des pommes de terre dans un chaudron
(bis)
Et ensuite pour dessert eh bien,
on mange des pommes de terre et vous m’entendez bien (bis)
on mange des pommes de terre et vous m’entendez bien (bis)
Et au dîner second repas (bis)
Des pommes de terre dans un grand plat
(bis)
Et ensuite pour dessert eh bien,
on mange des pommes de terre et vous m’entendez bien (bis)
on mange des pommes de terre et vous m’entendez bien (bis)
Et au goûter que mange-t-on (bis)
N’ayant ni gâteaux ni bonbons (bis)
On mange une pomme de terre eh bien,
qu’on a gardée d’hier et vous m’entendez bien (bis)
qu’on a gardée d’hier et vous m’entendez bien (bis)
Quand un enfant s’met à pleurer
(bis)
Ne sachant pas c’que lui donner (bis)
On l’bourre de pommes de terre eh
bien,
il finit par se taire et vous m’entendez bien (bis)
il finit par se taire et vous m’entendez bien (bis)
Les prussiens pour se distinguer (bis)
En mangent à s’en étouffer (bis)
Voyant qu’ils n’avancent guère eh
bien,
ils les avalent toutes entières et vous m’entendez bien (bis)
ils les avalent toutes entières et vous m’entendez bien (bis)
Celle qui a fait cette chanson (bis)
Est la fille d’un gars breton (bis)
Qui a trente pièces de terre eh bien,
et toutes en pommes de terre et vous m’entendez bien (bis).
et toutes en pommes de terre et vous m’entendez bien (bis).
Prussiens, pommes de terre...
RépondreSupprimerEt les doryphores hein ! Quand est-ce qu'on en parle ?
Chère Anne O'Nyme
SupprimerLa chanson traditionnelle ne fait qu’une place restreinte aux insectes, surtout aux nuisibles. Il existe des chansons de puces, et de poux, de libellules et de papillons, d’araignées et de sauterelles. Mais rien sur le doryphore. Les ravageurs n’intéressent personne depuis les invasions de sauterelles bibliques. Aux USA, seul Woody Guthrie a osé consacrer une chanson (1) au charançon qui sévissait dans les champs de coton pendant la grande dépression.
Quant aux prussiens dont les champs de patates ont été eux aussi victimes du doryphore, ils ne doivent ce surnom, récent, qu’à la couleur de leurs uniformes. Le terme doryphore a été utilisé pour désigner les soldats allemands pendant la seconde guerre mondiale. L’insecte n’a vraiment fait des ravages en France qu’à partir des années vingt, venant alors d’Amérique.
La pomme de terre a mis longtemps à s’imposer dans les campagnes françaises. Comme nous l’avons déjà raconté, c’est aux allemands que l’on doit son « envahissement » via ce bon monsieur Parmentier. D’un extrême à l’autre, c’est le régime exclusif de la pomme de terre qui est décrié par cette chanson du 19ème siècle . Dommage pour les prussiens qui tenaient à la fois le rôle d’ennemi héréditaire et de gros consommateurs de kartofell !
(1) The Boll weevill – les chansons de W. Guthrie ont été largement diffusées en France par le label « le chant du monde ».
Cher Hugo,
RépondreSupprimerfeu mon père, qui vivait en ferme à Guérande pendant la dernière guerre, appelait les allemands des doryphores pas trop pour la couleur de leur uniforme mais surtout parce qu'ils faisaient plus de ravages dans les récoltes que les insectes du même nom (surtout au moment de la poche).
Il parait qu'ils n'étaient pas encore descendus de leur Volswagen qu'ils criaient déjà : "Kartofen ! kartofen ! (Papa n'a jamais fait allemand en 2ème langue au Collège, il n'a d"ailleurs pas fait anglais non plus en 1ère).
De nos jours, sur la cote en Presqu'île, un occupant temporaire en ayant remplacé un autre, le sobriquet de "doryphore" est utilisé pour désigner les touristes en général (allemands y compris...), tout aussi envahissants mais tout de même plus pacifiques, heureusement !
Tiens pour les insectes, ça me fait penser que certains culs salés mangeraient des pattes de mouches, parait-il.
Là dessus je te souhaite une bonne continuation, je viens de temps à autre voir ce que tu nous mets en ligne, c'est toujours sympa et très instructif. Continue comme ça !
Dans ma famille, on chantait également le couplet que voici
RépondreSupprimerLe petit (ou la petite) + un prénom dans son berceau
Pleurait et hurlait comme un veau
Sa mère pour le/la faire taire
lui fit manger des pommes de terre
vous m'entendez bien....
Christine David
Si vous aussi connaissez d'autres couplets à cette chanson, n'hésitez pas à nous les apprendre.
SupprimerEn voici un, qui n'a pas été collecté en Loire-Atlantique mais dans l'est de la France (Franche-Comté):
Les amoureux au coin du feu
qui se regardent dans le blanc des yeux
au lieu d'faire leurs affaires
ils mangent des pommes de terre
vous m'entendez bien...
Une variante du couplet "Quand un enfant se met à pleurer, etc.", à ma connaissance d'origine lorraine :
RépondreSupprimer"Sa mère pour le faire taire
Le bourrait de pommes de terre et vous m'entendez bien !"
Ma mère (née en 1926) le chantait dans les années 60 et le tenait de sa propre mère, née en Haute-Saône en 1893.
JNM
si quelqu'un la en breton je suis preneur! (souvenir d'enfance)
RépondreSupprimerA notre connaissance il n'y a pas de version en breton de cette chanson. La chanson "son ar patatez", reproduite sur le CD "quand les bretons passent à table" (Dastum 1993) parle de la récolte et non de la consommation.
SupprimerMa mère chante cette chanson depuis des annees,elle est est demander de la chanter,à chaque occasion
RépondreSupprimerElle l'a chante tellement mieux et aussi elle connaît plus de couplets
Les jeunes filles dans les pensions (bis
Qui veulent aller à la maison (BIS)
et bien pour les faire taire et bien
On les bourre de pomme de terre
Et vous m'entendez bien oui vous m'entendez bien
Merci pour ce couplet supplémentaire qui prouve que chacun a adapté la pomme de terre à sa sauce.
SupprimerLe succès de cette chanson se vérifie tous les jours. Elle vient en tête des chansons les plus écoutées sur ce blog.
Un couplet que chantait ma grand mére qui a disparu en 1965:et habitait près d'Orléans.
RépondreSupprimerLa grand'mére au coin du feu à deux genoux priant le bon dieu,et tout en faisant sa prière,oui bien,elle se pourrait de pommes de terre, oui bien (bis)et vous l'entendez bien ( bis)
Voici un autre couplet dont je me souviens
RépondreSupprimerQuand on veut faire du bon café (bis)
Et qu'on n'a pas de chicoré (bis)
On met dans la caf'tière eh bien
Une grosse pomme de terre et vous m'entendez bien (bis)
Il existe une version québécoise endisquée par la Bottine souriante en 1981 sur l'album "Les épousailles". Voici les paroles. Étonnamment on y reconnaît plusieurs paroles de la version française. C'est le même principe...
RépondreSupprimerC'est le curé d'Saint-Jean d'Matha
Qui a pogné le choléra (bis)
Y'envoyait ça s'es murs
oh oui bien
Disant qu'c'tait d'la peinture
ah vous m'entendez bien (bis)
C'est le curé d'Saint-Ligori
Qui allait voir les femmes au lit
Soulevait la couvarte
Chatouille la patate
Quand j'étais p'tit habitant
Des pommes de terre, j'en manquais pas
Je cultivais la terre
Sur une p'tite pièce de terre
Les premiers de mes repas
Des pommes de terre, j'en manquais pas
J'les mettais dans marmite
C'était pour les manger cuites
Les deuxièmes de mes repas
Des pommes de terre, j'en manquais pas
Quand venait pour le desert
Encore des pommes de terre
Le bébé dans son berceau
Qui s'écriait tout haut, tout haut
Pis moé pour le faire taire
J'y @%$&#! une pomme de terre
Le composeur de cette chanson
C'est notre grand-père Simon
Assis devant son poële
Épluchant des pommes de terre
Ma mère née en Lorraine en 1923 nous chantait cet unique couplet : « « La p’tite Jeannette [ allusion à Jeanne d’Arc?] dans son berceau
RépondreSupprimerPleurait et criait comme un veau
Bis
Sa mère pour la fair’ taire
la bourre de pommes de terre
Et vous m'entendez bien.... »
Bis
Bjr, je recherche la chanson que mon grand père chantait.
RépondreSupprimerLes pommes de terre pour les cochons, les epluchures pour les bretons.
A la degouse, gouse, gouvernement.
Je vous joins mon mail
deguisnecorinne@gmail.com
Merci
Vous aviez un grand-père facétieux. Associer les patates et le gouvernement, faut le faire. Quand à la première phrase, bien connue, elle montre bien le mépris pour les pommes de terre avant que celles ci ne deviennent un aliment familier. Elle montre peut-être aussi un certain mépris pour les bretons, ce que confirmerait l'emploi du cliché "à la dégousse (nigousse)" souvent utilisé pour se moquer d'eux.
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