Un rossignol qui joue à contre-emploi
et une conversation avec l'au delà donnent à cette chanson une
atmosphère étrange qui semble venir de temps lointains.
Toutes les versions de cette chanson
débutent de la même façon : un cavalier reçoit de mauvaises
nouvelles de sa bien aimée. Il refuse d'y croire car c'est le
rossignol qui les lui apprend ; cet oiseau est plus habitué à
porter les messages des amoureux. Mis devant l'évidence il essaye
d'entrer en contact avec la morte. A partir de là, l'histoire peut
finir de deux manières différentes. Dans la plupart des versions
collectées en Haute Bretagne, la communication aboutit en enfer où
la belle est arrivée. Elle met son amant en garde contre le risque
de finir comme elle.
Les paroles, et le refrain, notées par
Soreau en Loire-Atlantique sont très proches de...
lire la suite et écouter la chanson
...celles collectées
en Ille et Vilaine par Albert Poulain (à Saint Just) ou celles du
pays de Loudéac publiées par Marc Le Bris (1) .Les versions les plus à l'est (où les moins à l'ouest, c'est selon) présentent une fin différente où la belle propose au galant de reprendre une bague qu'elle a encore au doigt. C'est le cas de chansons venant du Dauphiné, de Suisse Romande, ou du Piémont italien.
Dans bien des cas, si l'amant veut
embrasser sa mie une dernière fois, la morte se plaint que sa
bouche est pleine de terre alors que celle de son amant est pleine
d'amour, de fleurs, de senteur de rose...de vin d'Arbois (2).
Cette belle formule du baiser au goût
terreux vient immédiatement à l'esprit car elle a été popularisée
par l'enregistrement de cette chanson par le groupe Malicorne (3).
Leur version était celle recueillie en Haute Normandie et harmonisée
par Edouard Moullé. Un collectage contemporain de celui d'Abel
Soreau.
Notre chanson fait donc partie d'une
série de balades très anciennes sur le thème de l'amour plus fort
que la mort. Le retour du cavalier et le baiser donné à la morte se
retrouve également dans la balade anglaise « Lord Lovel ».
Mais le cheval rouge y est remplacé par une « milk white
steed »(4) et le baiser est fatal au héros.
Quand à la morale bretonne sur les
façons d'échapper à l'enfer, elle semble s'être ajoutée à
l'histoire originelle. Mais faute de preuves nous garderons bien
d'épiloguer là dessus.
notes
1 – Carnets de route d'Albert Poulain
(édition Dastum) et Chansons des pays de l'Oust et du Lié - Le Noach
et Le Bris, vol. 5
2 – il s'agit d'une version notée
dans le Jura, bien entendu.
3 – Malicorne : Almanach –
disque 33 tours publié en 1976 ; réédité depuis en CD
4 – jument blanche
En chevauchant mes chevaux rouges
En chevauchant mes chevaux rouges,
laire, laire, laire, loure, malanlaire
En chevauchant mes chevaux rouges,
j’entends le rossignol chanter
Qui me disait dans son langage, laire,
laire, laire, loure, malanlaire
Qui me disait dans son langage :
tu ris quand tu devrais pleurer
… De la mort de ta pauvre Jeanne
qu’on est à c’t’heure à enterrer…
…T’en as menti, méchante langue
car j’étais hier sâ o lé….
… Où c’qu’elle filait sa
quenouillette sur l’billot dans l’coin du fouyer…
… Là, quand je fus dedans ces
landes, je sentis les cloches hober…
… Et quand je fus dans le cim’tière,
j’entendis les prêtres hucher…
… Et quand je fus dedans l’église,
je vis un corps qui reposait…
… Je daubis du pied dans la châsse :
réveill‘ous, Jeanne, vous dormez…
… Non, je ne dors ni ne sommeille, je
suis dans l’enfer à brûler…
… Auprès de moi reste une place,
c’est pour vous, Pierre, qu’on la gardée…
… Ah, dites-moi plutôt, ma Jeanne,
comment faire pour n’y point aller ?...
… Il faut aller à la grand-messe et
aux vêpres sans y manquer…
… Faut point aller aux fileries comme
vous aviez d’accoutumé…
… Point badiner avec les filles sur
le grand coffre au pied du lit.
source : non identifié,
Pont-Château et Nozay – collectes d'Abel Soreau
interprète : Bruno Nourry
Coirault : la bague d'or 1
- 01408
Laforte : 2-I-14 - le
retour de l'amant : sa mie morte
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