Bientôt les vacances ! Alors si
vous n'imaginez Saint Nazaire qu'à travers ses usines et ses
chantiers navals, cette chansonnette vous rappellera que les plages
ne sont pas loin. Villès-Martin est un quartier qui tourne le dos à
la ville et regarde l'océan, entre le port et la plage de Saint Marc
chère à monsieur Hulot.
Certes, cette composition nous éloigne
des canons de la chanson traditionnelle. Sa poésie approximative a
fait le bonheur des nazairiens qui l'entonnaient à la belle époque.
Mais son auteur est resté dans l'anonymat. C'est le timbre utilisé
qui nous intéresse, significatif d'une évolution dans la chanson
populaire au tournant du 20ème siècle.
De tous temps des paroles ont été
plaquées sur des « airs connus ». La Clef du caveau
recensait les timbres les plus utilisés, dispensant les auteurs de
chansons d'imprimer la musique en renvoyant les lecteurs à cet
ouvrage de référence avec la mention « sur l'air de... ».
Ainsi, nous avons déjà eu l'occasion
de découvrir des compositions locales...
écouter la chanson et lire la suite
... sur l'air de la mère
Michel ou auprès de ma blonde, etc (1). Tout au long du
19ème siècle les complaintes criminelles diffusées sur feuilles
volantes ont utilisé et usé l'air de la complainte de Fualdès,
composée sur l'assassinat grandguignolesque de ce procureur à Rodez
en 1817.
Le développement du café concert et
la diffusion de masse des chansons, sur papier d'abord, par le disque
et la radio ensuite, ont introduit un nouveau répertoire. La
popularité d'un Théodore Botrel, ses tournées, les reprises de ses
chansons ont éliminé progressivement l'air de Fualdès des
nouvelles complaintes pour faire place à celui de la Paimpolaise. Ce
tube, d'abord interprété par Mayol, puis par son auteur lui même
(2), a servi de support à bon nombre d'auteurs anonymes jusqu'à la
seconde guerre mondiale. Les succès des années vingt ont eux aussi
donné libre cours aux improvisations (3).
La chanson de Villès-Martin utilise un
timbre issu du répertoire d'Aristide Bruant :
« Belleville-Ménilmontant ». Moins répandu que le
célèbre « à la Bastille », cet hymne parisien se prête
bien à des utilisations chauvinistes et gouailleuses, avec ses
ponctuations faciles à reprendre en choeur. Seule différence
notable avec l'original, un seul quartier est ici mis en valeur au
lieu des deux : à Belleville – à Ménilmontant.
Pour finir et illustrer ces propos
voici quelques repères historiques :
Quand la mer rouge : 1627 - Auprès
de ma blonde : 1674 – la complainte de Fualdès : 1817 -
la mère Michel : 1820 – Belleville-Ménilmontant : 1885
- la Paimpolaise : 1895 – Monte la dessus : 1922.
Depuis l'invention du microsillon, du
transistor, du CD audio puis du mp3 les reprises d'airs à la mode
pour les chansons anonymes ont un peu décru. En entendant certains
succès on se demande d'ailleurs si on doit le regretter. Les
compositions sur des airs anciens tiennent toujours.
notes
1 – à découvrir ou redécouvrir
dans ce blog : la mère Michel (chanson n° 9) Quand la mer
rouge apparut ( n° 35) auprès de ma blonde (n° 60) bonjour mon ami
Vincent (n° 61)
2 – Théodore Botrel a enregistré
lui même plusieurs versions de son grand succès ; avec
accompagnement de piano, avec orchestre et même en duo, inoubliable,
avec Mme Botrel. Ce qui prouve encore que si l'amour rend aveugle, il
rend sourd aussi ! Écoutez les, vous jugerez vous même.
3 – écouter par exemple Monte là
dessus : chanson n° 28
La chanson de Villès-Martin
De Saint-Nazaire l’agrément
L’dimanche quand il fait beau temps
C’est de s’en aller leste, leste
A Villès-se
Et puis là, très tranquillement
On s’arrête un petit moment
Pour se rafraichir un brin
A Villès-Martin (bis)
Dans les rochers en famille
Si l’on veut on s’déshabille
Il faut ben s’mettre à son aise
A Villès-se
Et si l’on veut prendre un bain
Sans cal’çon dans les p’tits coins
Pour épater les marsouins
A Villès-Martin (bis)
Quand le soleil est trop fort
Il faut attendre près du port
Et s’en aller quand il baisse
A Villès-se
Et toujours en bons bretons
On fredonne sa p’tite chanson
Pour distraire les citadins
A Villès-Martin (bis)
François, c’est un bon garçon
C’est un luron sans façon
Il a des accès d’tendresse
A Villès-se
Car jamais aucune station
N’donne autant d’satisfaction
On n’se fait jamais d’chagrin
A Villès-Martin (bis)
Si vous aimez le vin blanc bon
Arrêtez-vous à Sautron
Puis r’prenez la grande vitesse
Pour Villès-se
Car jamais aucune station
N’donne autant d’satisfaction
On n’se fait jamais d’chagrin
A Villès-Martin (bis)
Pour embrasser les belles filles
Sur l’goëmon, c’est difficile
Elles craignent de salir leurs fesses
A Villès-se
Mais dans les grands bois ombreux
Elles vont chasser le lapin
A Villès-Martin (bis)
On nous promet pour c’t’été
D’inaugurer le tramway
Il va falloir prendre l’express
Pour Villès-se
On jouera du mirliton
De la grosse caisse, du clairon
De Trignac à Saint-Joachim
Pour Villès-Martin (bis)
Les militaires pour s’amuser
Les p’tites bonnes vont caresser
Elles ne craignent pas leurs maîtresses
A Villès-se
Comme c’est un endroit charmant
On y voit les bonnes d’enfants
Elles attendent leurs p’tits biffins
A Villès-Martin (bis)
Un chalet on se paiera
Si des rentes un jour l’on a
Avec un titre de noblesse
A Villès-se
Puis aussi, on pédal’ra
En cyclistes et cetera
En beau costume de rupin
A Villès-Martin (bis)
Le casino, beau monument
D’Saint-Nazaire f’ra l’ornement
Il attirera les déesses
A Villès-se
Mais la gloire des Nazairiens
N’s’arrête pas en si bon ch’min
On veut sa place dans l’bottin
A Villès-Martin (bis)
Enfin le plus surprenant
Je vais vous l’dire à l’instant
Pour adoucir les tigresses
A Villès-se
Les belles-mères on va emm’ner
Passer la saison d’été
On en f’ra des chérubins
A Villès-Martin (bis)
La société des bilieux
Commence l’année en joyeux
Va jusqu’à la Saint Sylvestre
A Villès-se
Ils ne sont pas musiciens
Mais se font entendre de loin
Quand ils entonnent leur refrain
A Villès-Martin (bis)
L’auteur de cette chanson-là
Par ici ne demeure pas
Vous pouvez prendre son adresse
A Villès-se
Mais comme c’est pas l’premier v’nu
Il est encore inconnu
Il fait souvent son malin
A Villès-Martin (bis).
collectage : Fernand
Guériff, tome 3 « Chansons de Brière, de Saint Nazaire et de
la Presqu'ile guérandaise » - P. 280 - édité par Dastum 44
et le Parc naturel régional de Brière (2009)
auteur : non précisé
(timbre : Belleville-Ménilmontant)
interprète : Daniel
Lehuédé (+ réponse)
Bonus:
Belleville-Ménilmontant
d'après « chansons de la
rue » d'Aristide Bruant
Papa c´était un lapin
Qui s´app´lait J.-B. Chopin
Et qu´avait son domicile,
A Bell´ville;
L´ soir, avec sa p´tit famille,
I´ s´ baladait, en chantant,
Des hauteurs de la Courtille,
A Ménilmontant.
I´ buvait si peu qu´un soir
On l´a r´trouvé su´l´ trottoir,
Il´ tait crevé bien tranquille,
A Bell´ville;
On l´a mis dans d´ la terr´ glaise,
Pour un prix exorbitant,
Tout en haut du Pèr´- Lachaise,
A Ménilmontant.
Depuis c´est moi qu´est l´
souteneur
Naturel à ma p´tit´ sœur,
Qu´est l´ami´ d´ la p´tit´
Cécile,
A Bell´ville;
Qu´est sout´nu´ par son grand
frère,
Qui s´appelle Eloi Constant,
Qui n´a jamais connu son père
A Ménilmontant.
Ma sœur est avec Eloi,
Dont la sœur est avec moi,
L´soir, su´l´ boul´vard, ej´ la
r´file,
A Bell´ville;
Comm´ ça j´ gagn´ pas mal de
braise,
Mon beau-frère en gagne autant,
Pisqu´i r´fil´ ma sœur Thérèse,
A Ménilmontant.
L´ Dimanche, au lieu d´travailler,
J´mont´ les môm´ au poulailler,
Voir jouer l´drame ou l´vaud´ville,
A Belle´ville;
Le soir, on fait ses épates,
On étal´ son culbutant
Minc´ des g´noux et larg´ des
pattes,
A Ménilmontant.
C´est comm´ ça qu´ c´est l´ vrai
moyen
D´dev´nir un bon citoyen :
On grandit, sans s´ fair´ de bile,
A Bell´ville;
On cri´ :
Viv´ l´Indépendance!
On a l´ cœur bath et content,
Et l´on nag´, dans l´abondance,
A Ménilmontant.
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