vendredi 21 mars 2014

47 - J’ai gagé une servante

Un thème d'actualité dans les années 90 (1890) qu'on croirait sorti d'une pièce de Labiche ou de Feydeau. Que voulez vous ma bonne dame, il n'y a plus moyen de trouver du petit personnel, aujourd'hui. Mais un thème qui vient de beaucoup plus loin dans le temps. Et qui fait encore les conversations de café du commerce aujourd'hui. En langage socio-énarquo-administratif début du 21ème ça se traduit en difficulté d'adéquation de la ressource aux exigences techniques dans le cadre d’un programme d’amélioration de la performance. Non mais des fois ! Non Medef... ouah.
Les chansons qui se plaignent de la nonchalance des employés, de leur tendance à l'ivrognerie ou de leur façon de profiter des patrons, sont quasiment toutes sur le ton de la dérision. C'est la servante surprise en état d'ivresse après avoir bu 15 verres « monsieur c'est votre bon vin qui m'a rendu contente » ou celle qui se farde pour ressembler à sa maîtresse. C'est le grand valet qui lutine la patronne, profite du bon vin et du bon lit. C'est celui qu'on veut mettre à la porte et qu'on finit par supplier de rester « si notre valet nous quitte nous perdrons tout ». C'est ici la chambrière qui fait tout de travers.
A l'inverse, les chansons d'employés se plaignant du patron sont rarement sur le ton de la plaisanterie et carrément revendicatrices : chansons de compagnons mal accueillis, de valets de ferme qui attendent avec impatience d'aller se gager ailleurs, de marins qui jurent qu'ils ne repartiront pas, etc .
lire la suite et écouter la chanson



Cette chanson était sans doute connue dans tout l'ouest. La version de Soreau vient d'Assérac, à la limite du Morbihan. Elle est reprise par F. Gueriff dans le premier tome des chansons de la presqu'ile guérandaise (1). Armand Guéraud en a publié plusieurs variantes, dont une très proche de celle ci, collectée aux Landes Génusson (nord Vendée) ; De même celles notées par G. Dolbeau dans le marais breton-vendéen. D'autres encore provenant de Bretagne ou du Poitou sont conservées dans les bases de données de Dastum et du Cerdo.
Enfin une question reste sans réponse à l'écoute des paroles : Que faisait la chambrière entre la St Michel (29 septembre) et Noël ? . En effet, si les saisonniers étaient recrutés aux alentours de la Saint Barnabé ou de la Saint Jean (en juin), les autres domestiques se recrutaient en général à la Saint Michel ou la Saint Martin (novembre). Cette embauche tardive signifierait elle que l'employée précédente avait donné son congé ou été congédiée. Comme les soubrettes des comédies bourgeoises du 19ème !
En tout cas un bel exemple de « flexibilité du marché du travail permettant une économie d’échelle tout en favorisant l’autonomie du salarié » (2)

Note
1 – ouvrage hélas épuisé aujourd'hui, contrairement aux tomes 2, 3 et 4 toujours disponibles sur ce site pour une somme qui frise le ridicule !
2 – en français : si t’es pas content, casse toi.

J’ai gagé une servante

J’ai gagé une servante
De Nô à la Saint Micha (bis)
Ah, la faillie chamberière, non, je n’la garderai pas (bis)

J’lui disis d’faire le ménage
Elle m’disit qu’elle n’le f’rait pas (bis)
A la faillie chamberière…

J’lui disis d’brasser la couette / Elle tapit sur le mat’las

J’lui disis d’ouvrir la f’nêtre / Elle m’déchirit les ridiauxs

J’lui disis d’balayer la place / Elle m’arrachit les carrias

J’lui disis d’mettre la marmite / Elle mit sur l’feu les seillas

J’lui disis d’ach’ter d’la viande / Elle m’apportit les naviauxs

J’lui disis de faire du beurre / Elle m’jetit la crème au chat

J’lui disis d’tailler la soupe / Elle m’y taillit dau copias

J’lui donnis un coup d’cravache / Elle m’dit qu’elle n’servirait pas.


source : Athanase Ollivier, à Assérac, le 27 mars 1894 – collecte d'Abel Soreau
interprète : Martine Lehuédé et Janig Juteau
catalogue P. Coirault : La servante qui fait tout de travers - 06304

catalogue C. Laforte : La chambrière qui fait tout de travers - 1-P-16

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