C'est la trêve des confiseurs. Nous la
respectons. Pas de chanson cette semaine. Mais c'est aussi le temps
des veillées, des belles histoire que l'on raconte au coin du feu.
Nous vous proposons ce conte moderne ; en fait une histoire
vécue. L'anecdote ne vient pas du fond des âges mais du début des
années quatre vingt. Elle est de la même veine que celle rapportée
dans l'hommage rendu à John Wright (1).
Il était une fois un jeune homme,
Michel (2), amateur de vieilles chansons, à l’affût de toute
nouvelle pépite pour enrichir son répertoire. Il parcourait les
campagnes du pays nantais avec son minicassette en bandoulière.
Inlassablement, il mettait en boite les complaintes, les
ritournelles, les notes d'avant deux et les chants à dizaine que
voulaient bien lui confier les personnes de l'ancienne génération.
Par ses talents de persuasion il les encourageait à plonger au fond
de leur mémoire pour retrouver les chansons de leur jeunesse.
En ce jour de printemps, Michel était
installé avec son enregistreur sur la table de cuisine d'une
« informatrice », c'est ainsi qu'on définit les porteurs
de la tradition dans le milieu des collecteurs. Sur le coin du poêle,
le robusta maison re-bouillait dans une jolie cafetière en émail
vert pale. Le chat de la maison, sur son coussin, ouvrait parfois un
œil intrigué pour dévisager l'étrange étranger dont l'âge
contrastait avec celui des habituels visiteurs. Dans le salon proche,
la pendule venait de sonner quatre heures, au beau milieu d'une
rengaine des années vingt. Depuis plus d'une heure en effet la
vieille dame confiait ses souvenirs de l'ancien temps entre deux airs
du début du siècle. Tout le répertoire de Théodore Botrel allait
y passer et Michel sentait son enthousiasme décroître au fil des
« mouchoirs de Cholet » et des « dors mon petit
gars ».
Quand, tout à coup...
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Michel ne savait plus comment s'y
prendre pour orienter la chanteuse vers des chansons traditionnelles.
Comment faire comprendre à une personne à qui on a réclamé « la
chanson des blés d'or » pendant 50 ans dans toutes les fêtes
de famille que votre intérêt se porte sur les textes qu'on se
transmettait de mère en fille...
...Quand, tout à coup, la chanteuse
entonne :
Voici le mois de mai où les fleurs
volent au vent
Où les fleurs volent au vent si jolie
mignonne,
Où les fleurs volent au vent si
mignonnement.
Le fils du roi s'en va, s'en va les
ramassant
S'en va les ramassant ….
Il en ramasse tant qu'il en remplit ses
gants
Il les porte à sa mie pour lui faire
un présent
Prenez, prenez, dit-il, prenez voici
mes gants
Vous ne les mettrez guère que quatre
fois par an
À Pâques, à la Toussaint, Noël et
la Saint-Jean
La chanson finie notre jeune collecteur
ne peut s'empêcher de s'exclamer :
- Ah, elle est belle celle là !
- Ah oui, elle est belle
- D'où est-ce que vous la tenez ? Ça vient de votre famille ?
- Ah ben non. Elle est sur le disque de Nana Mouskouri que mes enfants m'ont offert pour Noël.
- Ah oui….. ! ! !
Il faudrait encore ajouter quelques
points d'exclamation pour exprimer toute la détresse de Michel à ce
moment là. Un grand moment de solitude qui s'entend jusque dans le
silence épais qui suit cette constatation.
Pour savourer toute la subtilité de la
situation il faut se souvenir que la chanson dont Nana l'athénienne
a fait une si belle interprétation est connue dans tous les bals
bretons de Nantes et des alentours comme l'accompagnement d'une
danse : le rond de Sautron. L'origine de cette danse repose sur
si peu de témoignages (3) que toute information supplémentaire
serait accueillie avec le plus grand intérêt. Ce ne fut pas pour
cette fois. Ainsi finit notre conte de Noël.
Si « Michel » lit ces
lignes qu'il n'hésite pas à nous faire part de ses commentaires. Et
si vous aussi collecteurs, aguerris ou en herbe, avez vécu des
moments singuliers lors de vos recherches, faites nous partager vos
émotions.
Notes
1 – voir : « la marurka
des anges » posté en octobre
2 – Michel est un pseudo. Nous
gardons, pour l'instant, l'anonymat du collecteur et de la chanteuse.
3 – à lire dans l'ouvrage de Marc
Clérivet « danse traditionnelle de Haute Bretagne » page
254 – édité par Dastum et le presses universitaires de Rennes
(2013)
Je suis née en 1944 et nous chantions cette chanson à l'école dans les années 50, école tenue par les soeurs de St Gildas, elles nous apprenaient ces chants traditionnels
RépondreSupprimerMarie-Jo asso Sant-Yann St Jean de Boiseau
Cette chanson fait partie du fonds populaire de Loire-Atlantique. Elle a réellement été collectée à plusieurs reprises, en particulier dans le pays de Retz. Mais les sources peuvent être diverses: la tradition, l'école...ou une chanteuse athénienne ! merci pour ce commentaire.
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