vendredi 5 juillet 2013

11 - Dans la prée à mon père (le plongeur noyé)


Nous continuons notre revue des activités estivales, celles qui peuvent se pratiquer sans parapluie ni ciré jaune. Après les grillades la semaine passée, voici la baignade et ses dangers. On ne dira jamais assez qu'il faut suivre les indications des maitres nageurs et de l'office de tourisme qui prennent la peine de signaler les risques : danger baignade interdite. Seulement voilà ! le fils du métayer veut passer outre pour épater la fille. Résultat : une noyade de plus dans la rubrique des faits divers.

La plupart des versions du plongeur noyé collectées en Loire-Atlantique situent l'action au bord de la mer ou sur les bords de la Loire. La mer est traîtresse (rappel : pavillon rouge – mer agitée danger) et plonger dans la Loire est assimilé à une tentative de suicide. A Guémené-Penfao, la rivière (le Don) n'est pas assez profonde pour ce genre d'accident. Voilà sans doute pourquoi c'est un « vivier » qui sert de cadre au drame.
Ecouter la chanson et lire la suite
Dans la prée à mon père (le plongeur noyé) by Dastumla
Dans la prée à mon père

Dans la prée à mon père
Y’a t’un large vivier (bis)
Les chevaux y vont boire, les canes s’y baigner
Vive la rose, la belle rose, vive la rose du vivier (bis)

La fille ainée d’mon père
Sa coiffe y va laver (bis)
Son battoir est de chêne, sa selle de châtaignier
Vive la rose, la belle rose…

Au premier coup qu’elle frappe, ses anneaux ont cassé
Au second coup qu’elle tape, dans l’eau y sont tombés

La fille était jeunette, elle s’est mise à pleurer
De par la prée il passe le fils d’un métayer

Il lui demande : belle, qu’avez-vous à pleurer
Les anneaux d’mes fiances dans l’eau ils sont tombés

Que donneriez-vous, belle, à qui les tirerait
J’ai cent écus en poche, j’en donn’rai la moitié

Le garçon se débotte, dans l’eau il s’est jeté
Mais au s’cond coup qu’il plonge, hélas, il s’est noyé

Rossignolet sauvage qui chante en ces verts prés
N’vas pas dire à sa mère que son gars s’est noyé

Va-t’en plutôt lui dire qu’il(e) s’est marié
A la plus jolie fille du bourg de Guémené

Elle a les cheveux d’or, les sourcils argentés
Elle a les joues vermeilles comme la rose au rosier.

source : Sophie Lemarchand, à Guémené-Penfao, le 27 septembre 1899 – recueilli par Abel Soreau
interprète : Janick Péniguel
catalogues : Le plongeur noyé - Coiraut 01723 - Laforte 1-B-12

La chanson du plongeur noyé met souvent en scène la fille du roi d'Espagne et non pas une paysanne comme celle ci. D'après les historiens de la chanson traditionnelle (Doncieux, Davenson...) cette histoire aurait pour origine celle d'un plongeur sicilien. Au XIIème siècle le fameux plongeur Nicolas se serait noyé en tentant de relever un défi lancé par l'empereur Frédéric II qui avait jeté à l'eau un sac de pièces d'or. Passée dans la tradition populaire, l'anecdote est devenue une chanson, très répandue dans l'ouest et particulièrement en Bretagne, et aussi curieusement en Italie...du nord !
Anneaux d'or, bague de fiançailles, collier d'argent, ou simplement ses clés, selon les versions la belle promet plus ou moins pour récompense. Ici cent écus, une belle somme (ça fait combien en euros?) et assez souvent son « cœur en gage », mais la notre est déjà fiancée.

Moralité : ôtez vos objets de valeur avant de faire la lessive et respectez les consignes de baignade, on ne vous le répétera jamais assez !