Si on ne retient de cette chanson que
la ritournelle “ lundi, mardi, jour de mai” ce ne sont pas les
références qui manquent. On la retrouve dans plusieurs chansons à
danser du répertoire gallo. Elle y est associée le plus souvent au
texte de la Flamande (ou de la servante) qui a tant d'amoureux
qu'elle ne sait lequel prendre. C'est d'ailleurs généralement un
cordonnier qui a sa préférence. Mais celà n'a rien à voir avec
cette chanson-ci.
Son texte parait inspiré d'un conte
populaire détaillant la même aventure. Si elle est inédite dans le
répertoire traditionnel francophone, elle présente tout de même de
curieuses similitudes avec un texte en breton.
Pour écouter la chanson et lire la
suite:
“Les nains”, cinquième chanson du
Barzaz Breiz (1), pourrait bien être la source de cette histoire de
cordonnier. Dans la chanson recueillie par M. de la Villemarqué, le
héros est un tailleur, profession dont la réputation n'est pas
moindre que celle de cordonnier. C'est à dire des personnages dont
la tradition aime bien se moquer. Quand aux nains il ne s'agit pas,
bien entendu, d'humains de petite taille, mais d'êtres mythiques
peuplant les landes et autres endroits déserts. Chaque folklore les
désigne sous des noms divers et variés, lutins, korrigans ou
farfadets... et leur confère des pouvoirs souvent maléfiques.
Le déroulement de notre chanson suit
très fidèlement celui de la version en langue bretonne, provenant
de Cornouaille. Comme la version française recueillie par le
chanoine Soreau est unique dans les archives, on peut supposer
qu'elle n'est qu'une adaptation du texte de la Villemarqué, qui lui
est antérieur de plus de quarante ans.
Dans ses notes accompagnant la chanson
des nains, le précurseur des grandes collectes du 19ème siècle
précise bien que les chants sur les nains comme sur les fées sont
très rares “tandis que les traditions relatives à ces êtres
surnaturels sont multipliées à l'infini”.
Les contes relatifs aux chants et aux
danses des nains se racontent un peu partout. Ainsi tel bossu qui
réussit à partager leurs réjouissances se voit soulagé de son
infirmité, tandis que son compère, voulant profiter de l'aubaine,
se trompe dans les paroles et se retrouve affligé d'une seconde
malformation. Chanter lundi, mardi danse c'est la coutume; aller
jusqu'au vendredi passe encore; mais y ajouter le samedi et le
dimanche est une erreur fatale.
Dans la chanson, le cordonnier /
tailleur se rend coupable d'un tout autre forfait. Il s'en prend aux
richesses des nains. Après tout, la tradition contée les décrit
souvent comme les gardiens de trésors dont ils n'ont guère l'usage.
Mais vouloir en profiter est une mauvaise idée. Le voilà condamné
à danser. Ce qui pour nous est un plaisir devient pour lui une
torture. Sous couvert de tradition païenne, ne faut-il pas voir dans
cette morale de l'histoire une forme de condamnation des plaisirs de
la danse ? Un thème revenant souvent dans les sermons des curés. A
vous de juger.
note
1 – Ar c'horred (les nains) page 35
du Barzaz Breiz de Théodore Hersart de la Villemarqué – réédition
par la Librairie académique Perrin (1963) de l'édition de 1867.
interprète : Nicolas
Pinel,
source : fonds Abel Soreau,
chanson n° 19 – recueillie du père Georges, à Saint-Joachim
(44), le 6 avril 1894 - publiée dans le deuxième cahier "vieilles chansons du pays nantais" en 1902
catalogue P. Coirault : non
catalogué
catalogue C. Laforte : non
catalogué
C’EST UN PETIT CORDONNIER
C’est un p’tit cordonnier
Lundi, mardi, jours de mai
C’est un p’tit cordonnier
Il n’voulait plus travailler
REFRAIN
Que la ronde commence
Marquons bien la cadence
Lundi, mardi, danse
Là-bas dans la vallée
Lundi, mardi, jours de mai
Là-bas dans la vallée
Chez les nains s’en est allé
Leur or a déterré
Lundi, mardi, jours de mai
Leur or a déterré
Chez lui, vite, il s’est sauvé
La porte il a fermée
Lundi, mardi, jours de mai
La porte il a fermée
La porte, aussi la croisée
Les nains ont pas tardé
Lundi, mardi, jours de mai
Les nains ont pas tardé
Sur le toit ils ont grimpé
Aïe ! par la cheminée
Lundi, mardi, jours de mai
Aïe ! par la cheminée
Trois, quatre, cinq, ils s’sont
glissés
Ah, méchant cordonnier
Lundi, mardi, jours de mai
Ah, méchant cordonnier
J’allons t’apprendre à voler
Ils l’ont pris par le nez
Lundi, mardi, jours de mai
Ils l’ont pris par le nez
Par les mains et par les pieds
Sur l’aire ils l’ont mené
Lundi, mardi, jours de mai
Sur l’aire ils l’ont mené
Avec eux lui faut danser
Qu’il voudrait ben souffler
Lundi, mardi, jours de mai
Qu’il voudrait ben souffler
Dans la ronde est entraîné
Danse, petit cordonnier
Lundi, mardi, jours de mai
Danse, petit cordonnier
Qui n’voulait plus travailler
Danse, petit cordonnier
Lundi, mardi, jours de mai !
Danse, petit cordonnier
Nous t’apprendrons à voler !
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