L'objectif de nos
publications est de mettre en valeur le répertoire traditionnel d'un
territoire correspondant plus ou moins aux limites du département de
la Loire-Atlantique. Mais les chansons, comme toutes les traditions
orales, se moquent des limites administratives. Cela nous entraîne donc a dépasser quelque peu ces limites.
Cette fois nous nous
sommes éloignés de quelques kilomètres supplémentaires; quelques
milliers, en fait. Cette aventure de trois voyageurs nantais sauvés
d'une mort certaine par une servante d'auberge a franchi la grande
bleue. Nous sommes allé la chercher jusqu'en Ontario !
Pour écouter la chanson
et lire la suite :
Le Canada n'a pas
l'exclusivité de cette chanson. Même si elle a été assez peu
collectée, nous aurions pu en choisir une version plus proche. Ce
qui a motivé notre intérêt c'est de constater qu'une chanson se
rapportant à la ville de Nantes ait parcouru une telle distance.
On retrouve avec ce texte
le thème de l'auberge rouge, présent dans plusieurs chansons. Des
voyageurs éloignés de chez eux sont détroussés et trucidés par
des aubergistes peu scrupuleux. Dans une autre chanson ils vont même
jusqu'à supprimer leur propre fils revenant à la maison la bourse
pleine parce qu'ils ne l'ont pas reconnu. Voyez et ré-écoutez la
chanson « Au lever de l'aurore » (n° 167 en septembre
2016).
Ici, ce sont de parfaits inconnus qui vont émouvoir la servante de l'auberge et échapper ainsi à un cruel destin. Avant d'être porté à l'écran ce thème a donc suscité des complaintes parfois basées sur des faits réels ou romancés. Dans notre région, une affaire de ce type a eu un certain retentissement du coté d'Ancenis.
Ici, ce sont de parfaits inconnus qui vont émouvoir la servante de l'auberge et échapper ainsi à un cruel destin. Avant d'être porté à l'écran ce thème a donc suscité des complaintes parfois basées sur des faits réels ou romancés. Dans notre région, une affaire de ce type a eu un certain retentissement du coté d'Ancenis.
Pourtant cette chanson
type n'est que peu représentée dans les collectes. On trouve le
thème, en partie, dans une des chansons du Barzaz Breiz « le
vassal de Duguesclin » où une jeune fille sauve un cavalier
hébergé dans un château pendant la guerre de cent ans. Une autre
version a été publiée par Luzel dans le premier volume des
Gwerziou sous le titre « Iannik ar Bon-garçon ». la
chanson francophone la plus proche est celle publiée par Lucien
Decombe (1) dont une version raccourcie et mise en musique par le
groupe Katé-Mé figure sur notre CD « Nantes en chansons »
édité en 1998 (2).
Personne n'a pu nous
expliquer ce que pouvaient être les « navères » du
huitième couplet. Peut être est-on plus proche des navères un
quart ou navère et demie ! N'oublions pas que l'histoire se
déroule à la tombée de la nuit qui, comme chacun le sait, est
propice aux agressions nocturnes !
Que cette chanson soit
moins connue que d'autres tient peut être au fait qu'elle se termine
bien pour nos trois compatriotes. La chanson traditionnelle se
complaît souvent dans le dramatique. Le goût de l'auditoire pour le
mélo, le drame qui fait frémir, privilégie souvent les crimes
sanguinolents qui justifient un châtiment exemplaire. Bien que cette
chanson n'ait pas de cadavres à nous offrir, les assassins seront
tout de même châtiés. Cerise sur le gâteau, la jeune fille
récolte une proposition de mariage. Happy end ! Il ne reste
plus qu'à faire jouer l'orchestre un peu plus fort et faire
apparaître le mot fin sur un paysage au soleil couchant. Et en route
pour de nouvelles aventures.
Notes
1 – Lucien Decombe –
chansons populaires recueillies dans le département d'Ille et
Vilaine (1884) page 280
2 - et désormais
complètement épuisé. Si vous connaissez quelqu'un qui le possède
faites le vous prêter !
interprète :
Jean-Louis Auneau
source :
collecte de Germain Lemieux, dans l'Ontario – publié dans le
chansonnier Franco-Ontarien , tome 1 page 40 (université de Sudbury
- 1974)
Catalogue P. Coirault :
9615 – les trois voyageurs sauvés par la servante
Catalogue C. Laforte :
I, B-24 la servante dénonciatrice
Ce sont trois garçons
venant de Nantes
Fa d'lon la, luré d'lon
la
C'est trois garçons
venant de Nantes
Dans un hôtel ont été
loger (ter)
Ont appelé la servante
La belle, venez nous
donner à souper
Et tout le temps qu'ils
furent à table
La belle ne fait que
pleurer
Ah, qu'avez vous donc
jeune fille
Qu'avez vous donc à tant
pleurer
C'est ici la chambre de
mon maître
Où c'qu'y'en a tant
qu'ont été tués
Ah, dites nous donc jeune
fille
Que faudrait faire pour
nous sauver
Mettez vos souliers et
pantoufles
Faites semblant d'aller
vous promener
Ne retardez pas sur les
navères
Car les portes seront
barrées
Ils ne furent pas plus de
trois quart d'heures
Que la police est arrivée
Y'en a-t-un qui fut jugé
à pendre
Et l'autre à être roué
Où est allée la jeune
fille
De la mort elle nous a
sauvés
Si vous voulez venir à
Nantes
A mon jeune frère serez
mariée
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