vendredi 21 juin 2019

301 - Les trois garçons de Nantes


L'objectif de nos publications est de mettre en valeur le répertoire traditionnel d'un territoire correspondant plus ou moins aux limites du département de la Loire-Atlantique. Mais les chansons, comme toutes les traditions orales, se moquent des limites administratives. Cela nous entraîne donc a dépasser quelque peu ces limites.
Cette fois nous nous sommes éloignés de quelques kilomètres supplémentaires; quelques milliers, en fait. Cette aventure de trois voyageurs nantais sauvés d'une mort certaine par une servante d'auberge a franchi la grande bleue. Nous sommes allé la chercher jusqu'en Ontario !
Pour écouter la chanson et lire la suite :


Le Canada n'a pas l'exclusivité de cette chanson. Même si elle a été assez peu collectée, nous aurions pu en choisir une version plus proche. Ce qui a motivé notre intérêt c'est de constater qu'une chanson se rapportant à la ville de Nantes ait parcouru une telle distance.
On retrouve avec ce texte le thème de l'auberge rouge, présent dans plusieurs chansons. Des voyageurs éloignés de chez eux sont détroussés et trucidés par des aubergistes peu scrupuleux. Dans une autre chanson ils vont même jusqu'à supprimer leur propre fils revenant à la maison la bourse pleine parce qu'ils ne l'ont pas reconnu. Voyez et ré-écoutez la chanson « Au lever de l'aurore » (n° 167 en septembre 2016).
Ici, ce sont de parfaits inconnus qui vont émouvoir la servante de l'auberge et échapper ainsi à un cruel destin. Avant d'être porté à l'écran ce thème a donc suscité des complaintes parfois basées sur des faits réels ou romancés. Dans notre région, une affaire de ce type a eu un certain retentissement du coté d'Ancenis.
Pourtant cette chanson type n'est que peu représentée dans les collectes. On trouve le thème, en partie, dans une des chansons du Barzaz Breiz « le vassal de Duguesclin » où une jeune fille sauve un cavalier hébergé dans un château pendant la guerre de cent ans. Une autre version a été publiée par Luzel dans le premier volume des Gwerziou sous le titre « Iannik ar Bon-garçon ». la chanson francophone la plus proche est celle publiée par Lucien Decombe (1) dont une version raccourcie et mise en musique par le groupe Katé-Mé figure sur notre CD « Nantes en chansons » édité en 1998 (2).
Personne n'a pu nous expliquer ce que pouvaient être les « navères » du huitième couplet. Peut être est-on plus proche des navères un quart ou navère et demie ! N'oublions pas que l'histoire se déroule à la tombée de la nuit qui, comme chacun le sait, est propice aux agressions nocturnes !
Que cette chanson soit moins connue que d'autres tient peut être au fait qu'elle se termine bien pour nos trois compatriotes. La chanson traditionnelle se complaît souvent dans le dramatique. Le goût de l'auditoire pour le mélo, le drame qui fait frémir, privilégie souvent les crimes sanguinolents qui justifient un châtiment exemplaire. Bien que cette chanson n'ait pas de cadavres à nous offrir, les assassins seront tout de même châtiés. Cerise sur le gâteau, la jeune fille récolte une proposition de mariage. Happy end ! Il ne reste plus qu'à faire jouer l'orchestre un peu plus fort et faire apparaître le mot fin sur un paysage au soleil couchant. Et en route pour de nouvelles aventures.

Notes
1 – Lucien Decombe – chansons populaires recueillies dans le département d'Ille et Vilaine (1884) page 280
2 - et désormais complètement épuisé. Si vous connaissez quelqu'un qui le possède faites le vous prêter !

interprète : Jean-Louis Auneau
source : collecte de Germain Lemieux, dans l'Ontario – publié dans le chansonnier Franco-Ontarien , tome 1 page 40 (université de Sudbury - 1974)
Catalogue P. Coirault : 9615 – les trois voyageurs sauvés par la servante
Catalogue C. Laforte : I, B-24 la servante dénonciatrice

Ce sont trois garçons venant de Nantes
Fa d'lon la, luré d'lon la
C'est trois garçons venant de Nantes
Dans un hôtel ont été loger (ter)

Ont appelé la servante
La belle, venez nous donner à souper

Et tout le temps qu'ils furent à table
La belle ne fait que pleurer

Ah, qu'avez vous donc jeune fille
Qu'avez vous donc à tant pleurer

C'est ici la chambre de mon maître
Où c'qu'y'en a tant qu'ont été tués

Ah, dites nous donc jeune fille
Que faudrait faire pour nous sauver

Mettez vos souliers et pantoufles
Faites semblant d'aller vous promener

Ne retardez pas sur les navères
Car les portes seront barrées

Ils ne furent pas plus de trois quart d'heures
Que la police est arrivée

Y'en a-t-un qui fut jugé à pendre
Et l'autre à être roué

Où est allée la jeune fille
De la mort elle nous a sauvés

Si vous voulez venir à Nantes
A mon jeune frère serez mariée


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