vendredi 14 juin 2019

300 - A nous le pompon


Vous allez écouter la 300ème publication de ce blog. Pour franchir dignement ce cap il nous fallait une chanson marquante, une de celles qu'on n'oublie pas. Le texte que nous vous proposons n'a pourtant rien d'exceptionnel. Cette histoire est certainement l'une des plus présentes dans la tradition orale quelle que soit la région. Son déroulement est sans surprises et aboutit généralement à une morale du genre « mieux vaut tenir que courir ».
Cette chanson a pu se transmettre avec quantité de refrains différents. Celui ci est rare ; c'est ce qui fait tout son charme, et, croyez nous, vous n'êtes pas prêts de l'oublier !
Pour écouter la chanson et lire la suite :


Il en est de la chanson comme des recettes de cuisine : pour faire une bonne chanson traditionnelle il faut des couplets et un refrain. La recette est immuable, se transmettant de génération en génération. Mais les ingrédients varient d'un interprète à l'autre, ce qui explique que pour un même thème on puisse obtenir des résultats si différents. Vous pouvez, par exemple, retrouver une autre version avec la chanson n° 119 publiée en septembre 2015.
Dans cette chanson, les couplets appartiennent à toute cette série d'histoires où le galant se laisse intimider par les pleurs de la belle qui, pour s'échapper, prétexte généralement d'avoir à soigner une mère malade. Ce thème a été chanté sur tous les tons et avec des refrains variés. Celui qu'utilisait Marie Barthélémy, chanteuse de Sion les mines en pays de Châteaubriant, est peu courant. Il nous prouve encore une fois que le refrain est indépendant de la chanson elle même. Il n'est là que pour lui permettre de se dérouler mélodiquement.
Attention, on vous aura prévenus : une fois ce refrain entré dans vos méninges, vous ne pourrez plus vous en débarrasser. Il fait partie de ces rengaines qui vous sautent dessus dès le matin au réveil et que vous vous surprenez à fredonner sans y penser. Mais qu'est ce donc que cette affaire de « pompon » ?
D'après nos recherches, cette expression a probablement son origine dans le vocabulaire militaire. Gagner le pompon c'est emporter les honneurs, la gloire. Peut être une forme de décoration ou de signe distinctif qui fait de celui qui le porte un personnage au dessus du commun des mortels. Peut être tout simplement un de ces attributs cocardiers dont les conscrits aimaient à se parer. Il nous semble en effet que cette version de la chanson ait pu faire partie du répertoire des conscrits dont on trouve d'autres exemples dans les collectes réalisées chez Marie Barthélémy (1).
Cependant, cette chanson nous laisse un peu sur notre faim. On sent qu'il manque un épisode entre l'avant dernier et le dernier couplet. Habituellement, la belle se moque du galant avec des propos du genre :
Quand tu tenais la caille
Il fallait la plumer
Puisque nous en sommes aux noms d'oiseaux donnons une petite précision ornithologique : la « bégasse » est une variété de gallinacée qui vit exclusivement dans les régions où le G et le C se confondent souvent. Le genre d'endroit où l'on croise des gamions sur les routes !
Que cette dernière précision vous rappelle que, si ce blog ambitionne de vous faire découvrir la « vastitude » du répertoire traditionnel, il n'a pas la prétention d'être une référence scientifique. Nous délaissons fréquemment le premier degré parce que notre souhait est d'abord de vous donner envie de chanter.
Et on continuera dès la semaine prochaine.

Notes
1 – voyez, et écoutez, une toute petite partie de ce réperoire sur le double CD « Pays de Chateaubriant – chanteurs, sonneurs et conteurs traditionnels » publié par Dastum en 2017. Le reste du répertoire est accessible sur la base Dastumedia 

interprète :  Dominique Juteau
source : Marie-Josèphe Barthélémy, enregistrée à Sion-les-Mines par Patrick Bardoul en mai 1988
catalogue P. Coirault : Le galant intimidé par les pleurs de la belle (Occasions manquées - N° 01905)
catalogue C. Laforte : L’occasion manqué (1-K-10)

A nous, le pompon

C'était un jeune chasseur qui chassait la bégasse
Qui chassait la bégasse et le pigeon ramier
A nous l'pompon
A nous l'pompon, charmante demoiselle
A nous l'pompon

Qui chassait la bégasse et le pigeon ramier
Et aussi la jeune fille quand il peut l'attrapper
A nous l'pompom…

Et aussi la jeune fille…
Il en a trouver une à la barrière d'un pré

La fille était jeunette, elle se mit à pleurer

Et moi garçon honnête je me suis retiré

Quand elle fut sur ces landes, elle se mit à chanter

Je vis un grand nigaud qui n'a su m'embrasser

Tais toi petite sotte, je t'y rattraperai

Soit en gardant tes vaches ou en fanant tes prés

Je n'y garde pas les vaches, je n'y fane pas les prés.


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