Les
retours de guerre sont une source inépuisable d'aventures que la
chanson traditionnelle exploite à fond. Après une absence plus ou
moins longue le soldat qui retrouve son pays se trouve confronté à
des situations sortant de l'ordinaire (sinon ça ne vaudrait pas le
coup d'en faire des chansons!). Emportés par la vague des
commémorations de la grande guerre, nous avons contribué à cette
ambiance en nous penchant sur ce thème. Rassurez vous, la chanson de
cette semaine n'a rien à voir avec la Madelon. Elle fait référence
à un conflit dont on serait bien en peine de préciser la date.
Cette histoire est intemporelle, plus romantique que réaliste.
Pour
écouter la chanson et lire la suite :
Avec
un précédent commentaire (1) nous avions déjà évoqué
l'existence de cette version de la chanson du soldat qui trouve sa
mie morte. Nous signalions que dans les versions à caractère
maritime la jeune fille se prénomme fréquemment Adèle. Car cette
chanson est tellement répandue que les prénoms changent de l'une à
l'autre, tout comme l'affectation du soldat qui peut aussi bien faire
campagne à pied que sur les flots. Adèle est un prénom un peu
désuet qui oblige à soigner ses phrases. Il est plus convenable de
dire :
Ton
Adèle est morte
que
Elle
est morte Adèle (2)
Combien
de temps s'est-il absenté ce jeune marin ? C'est difficile à
dire. Plus que le mal du pays, c'est le mal d'amour qui le tourmente.
Peut être s'inquiète-t-l pour sa bonne amie ; et il a bien
raison. Le plus étonnant dans l'affaire c'est la facilité avec
laquelle il obtient de son capitaine carte blanche et joli
passeport ! Des termes peu en usage dans le vocabulaire
militaire. Mais ce n'est pas la seule invraisemblance. Le plus
extraordinaire vient après l'annonce au jeune homme du décès de sa
bien aimée. Nous n'avons pas eu droit aux adieux déchirants des
situations ou l'agonisante :
a
tiré sa blanche main du lit
pour
dire adieu à son ami
Qu'importe ;
l'amour est définitivement plus fort que la mort et c'est d'outre
tombe que la parole consolatrice est adressée à l'amoureux éploré.
Il est invité à chercher une autre compagne, par celle qu'il
regrette tant. Une façon de dire que la vie continue et qui nous
épargne les conclusions fantaisistes de certaines versions où le
soldat regagnant son régiment est promu au grade supérieur en guise
de consolation.
Il
ne faut donc pas chercher dans ce texte à caractère romantique
l'évocation d'une situation réelle. Rien ne nous permet de le
rattacher à un conflit en particulier. La situation aurait même
tout aussi bien pu se rapporter à une absence pour d'autres faits
que la guerre. Mais alors cette chanson ne collerait pas avec notre
actualité (3).
Pour
les puristes – et les plus attentifs d'entre vous – nous devons
vous signaler que notre interprétation emprunte des passages à deux
versions assez proches. Toutes deux ont été récoltées par Hervé
Dréan et publiées dans son ouvrage « Instants de mémoire ».
notes
1
– chanson n° 104 « c'était un jeune dragon » en mai
2015
2
– de là à dire que cette chanson est un saucisson ; c'est
une blague de mauvais goût que nous ne nous permettrions pas.
3
– pour ce qui nous concerne : un atelier répertoire et une
session de chants, liés à une exposition sur le sujet des « retours
de guerre » aux archives départementales de Loire-Atlantique.
interprète :
Francis Boissard et réponses de Jean Ruaud, Dominique Juteau et
Jean-Louis Auneau
sources :
Edouard Sébillot, d'Herbignac en février 1980 et Mme Dagaud, de
Marzan en février 1979 enregistrés
par Hervé Dréan. Publié dans : Instants de mémoire, volume 2
pages 25 et 26 (Musique sauvage - 2011)
catalogue
P. Coirault : 1406 – le soldat qui trouve sa mie morte
catalogue
C. Laforte : II, I-13 – le retour du soldat : sa
blonde morte
C'étaient
trois jeunes marins qui partaient pour la guerre (bis)
Qui
partaient pour la guerre mais tout en regrettant
Leurs
trois jolies maîtresses que leur cœur aimait tant
Le
plus jeune des trois regrettait bien la sienne
Regrettait
bien la sienne, comme il avait raison
Car
c'était la plus belle fille des environs
Le
jeune marin s'en va trouver son capitaine
Bonjour
mon capitaine signez moi mon congé
Pour
aller voir Adèle, ma mie du temps passé
Le
capitaine lui dit mon brave homme de guerre
Voici
ta carte blanche, ton joli passeport
Tu
iras voir Adèle, tu reviendras à bord
Le
jeune marin s'en va chez son père et sa mère
Bonjour
mon père ma mère frères sœurs et parents
Où
est elle donc Adèle, ma mie que j'aimais tant
Le
père lui répondit ton Adèle elle est morte
Ton
Adèle elle est morte, elle est bien loin d'ici
Son
corps est dans la terre, son âme au paradis
Le
jeune marin s'en va tout droit au cimetière
En
appelant Adèle, Adèle parle moi
Donnes
moi une parole pour la dernière fois
Adèle
lui répondit du fond du cimetière
T'en
trouveras bien d'autres, bien des filles à seize ans
Qui
seront les plus belles de tout ton régiment
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