vendredi 27 juillet 2018

259 - Meunier tu dors (2)

La chanson du meunier qui accumule les catastrophes pendant son sommeil est aujourd'hui cataloguée parmi les enfantines. C'est le sort qui lui a été réservé depuis qu'une version standardisée a été diffusée à l'intention de la jeunesse. Mais alors que vient faire ici cette allusions finale aux gens d'église qui courtisent la meunière ?. C'est sans doute que ce texte n'a pas toujours été conçu que pour divertir les bambins. Comme bien souvent, ce qui n'est pris qu'au premier degré par l'auditoire jeune, présente un tout autre sens pour les adultes et permet au passage de régler des comptes avec deux catégories (clergé et meuniers) auxquelles ont a envie de faire quelques reproches sur leur conduite, même indirectement.
Pour écouter la chanson et lire la suite :

Après les animaux ou le voisin voleurs de nourriture, voici donc au final un couplet qui n'intéresse guère que le monde des adultes. Moines et curés peu respectueux de l'obligation de célibat, sinon de chasteté, sont une constante dans les chansons traditionnelles. C'est qu'avant une reprise en main du clergé à partir du 18è siècle, il y avait souvent du laisser aller parmi les gens d'église ! Dans cette chanson, c'est le meunier qui a le rôle de la victime. Bien souvent c'est lui, au contraire, qui est soupçonné de toutes les grivoiseries et attitudes déplacées vis à vis de ses clientes. Il faut dire que cette profession était rarement bien vue par les paysans qui la soupçonnait, parfois fort justement, de toujours s'en tirer à bon compte dans les transactions commerciales. On a même vu des ecclésiastiques accuser plus ou moins ouvertement les meuniers de voler leurs clients. Voyez à ce sujet la chanson n° 232 (janvier 2018) « le moulin de Saillé ».
Voilà encore une fois une chanson pour les personnes qui s'imaginent qu'il existe une version standard de chaque chanson traditionnelle. Nous avons tous en mémoire ces chansons qui sont devenues les versions « officielles » parce que diffusées par la littérature enfantine et l'école maternelle ou primaire. Il est souvent difficile de faire admettre que ces versions, généralement figées depuis le dix neuvième siècle, ne sont qu'un aspect de la tradition populaire, tant elles ont fini par éclipser toutes les autres.
Et pourtant, que de chansons prétendument enfantines ont d'abord connu une véritable transmission populaire avant d'être confinées à la distraction des premiers âges de la vie. Ne faisons pas la fine bouche. Cet engouement a permis de conserver des textes qui constituent un fonds commun aux écoliers. Mais le revers de la médaille c'est que ce répertoire officiel occulte toute la richesse et la diversité des autres interprétations de ces même chansons.
Meunier tu dors en est un bon exemple. Seul le refrain « ton moulin va trop vite » est spontanément associé à ce texte. Nous vous offrons donc un second exemple de ce que la tradition a pu diffuser comme variantes. Pour retrouver la première, reportez vous à notre chanson n° 42 (janvier 2014) avec pour refrain :
Réveillons là, réveillons là, réveillons là
Réveillons là ce meunier là
On trouve aussi des variantes du refrain habituel avec des :
Gare, ton moulin va trop fort
ou
Ton moulin tourne à vide
Ton moulin ne va plus

interprète : Janick Péniguel
source : Fernand Guériff, tome I, p. 109 - collectage de Charles-Marie Loyer, vers 1850, en pays Guérandais
catalogue P. Coirault : Meunier, tu dors (Enfantines – N° 07812)
catalogue C. Laforte : Meunier, tu dors (V, F-137)

Meunier, tu dors, tu n' vois pas ton dommage (bis)
Voilà le loup qui te mange ton âne

refrain
Au bal, au bal la meunière, au bal
Au bal la meunière

Voilà le loup qui te mange ton âne (bis)
Si j'cours au loup, j'ai peur qu'il me mange

Voilà le vent qui déchire tes voiles (bis)
Si j'cours au vent, j'ai peur qu'il m'emporte

Voilà le feu qui ta maison brûle (bis)
Si j'cours au feu, j'ai peur qu'il me brûle

Voilà le chat qui emporte tes saucisses (bis)
Si j'cours au chat, j'ai peur qu'il me griffe

Voilà le chien qui emporte tes côt'lettes (bis)
Si j'cours au chien, j'ai peur qu'il me morde

Et ton voisin qui emporte tes poules (bis)
Si j'cours au voisin, j'ai peur qu'il me batte

Voilà le moine qui emporte ta femme (bis)
Ah, cette fois-ci, je veux avoir ma femme.


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