Dans
la chanson de la semaine dernière il était beaucoup question de
couleurs de cheveux. Ce sera encore le cas cette semaine, mais cette
fois le choix sera plus facile. D'entre trois sœurs c'est la plus
jeune qui a de magnifiques cheveux qui lui pendent jusqu'au talon.
Cette blonde a un prénom bizarre. Il est vrai qu'on en voit aussi de
toutes les couleurs à l'état civil.
L'histoire
est bien connue dans toutes les régions et particulièrement dans
l'ouest. Nous en avons retrouvé de nombreuses versions dans nos
archives sonores et dans les autres collectes. Celle ci vient de la
presqu'ile guérandaise. Son refrain « verse à boire »
ne laisse aucun doute sur son usage.
Pour
écouter la chanson et lire la suite
De
ces trois sœurs, les deux premières ne jouent qu'un rôle mineur.
Elles aussi sont affublées de prénoms qui varient d'une version à
l'autre, avec une préférence pour Jeanne et Louison. Mais l'héroine
de la chanson s'appelle Cœur de rose. On trouve parfois Fleur de
rose, plus rarement Marguerite ou Jeanneton. Et encore plus rarement
Alison, Augusta ou Fleur d'orange ! Cœur de rose c'est un beau
nom, mais peut-être pas très facile à porter ; les parents ne
sont décidément pas raisonnables.
Que
ce soit la mère ou le frère qui lui tressent les cheveux, la
principale information c'est qu'elle va quitter la maison. Bien
souvent ce sont des soldats – ici, des marins - qui l'emmènent.
Parfois c'est tout simplement son amoureux qui vient la chercher.
Dans tous les cas cela ressemble à un rapt.
L'histoire
a, ici, un goût d'inachevé. Elle est partie et on attend la suite.
Ce que la version de Constance Crusson ne nous dit pas nous allons le
retrouver dans le répertoire d'autres chanteurs :
Dans
certains cas c'est donc l'amoureux qui enlève Cœur de rose sur son
haquenée ; preuve que ce jeune homme n'a pas les moyens. Il
fait moins figure de prince charmant enlevant la belle sur son fier
destrier que de Loulou du coin la montant sur le porte-bagage de sa
mobylette d'occasion. Peu importe, on imagine que l'histoire finira
bien.
Deuxième
possibilité, beaucoup plus fréquente, ce sont des soldats qui
entraînent la belle aux longs cheveux. L'aventure s'annonce moins
romantique. On se retrouve un peu dans la situation de la belle
obligée de ruser « pour son honneur garder ». Mais alors
le voyage se termine soit par l'abandon de la fille soit par un
séjour à Paris dans une maison. De quelle genre de maison
s'agit-il ? Une maison qui a été close avant d'être
fermée !Certains chanteurs ne laissent aucun doute et « boxon »
fournit une assonance en on très acceptable.
Quand
il n'est pas question de maison la belle peut échouer au régiment
ou, pour être en accord avec la rime, en garnison (ou dans les
dragons).
Quelques
versions de notre chanson de la semaine dernière (le coq qui chante)
contiennent cet avertissement :
Vous
qui prenez des femmes n'allez pas à Paris
La
« morale » de celle ci serait-elle guidée par le même
message ? Séduite et abandonnée ou pire, tel serait le sort
des jeunes filles trop confiantes prêtes à suivre le premier venu.
Dans ce cas, la capitale, n'a plus son rôle valorisant habituel mais
celui du lieu de perdition. L'émigration parisienne pour les jeunes
de nos campagnes est depuis longtemps un sujet d'inquiétude pour les
parents. Passe encore de voir un fils y tenter sa chance ; pour
une fille le risque est plus grand. Si là n'est pas le sujet
principal de la chanson, on sent malgré tout un certain message
caché dans ces derniers couplets. Message absent de l'interprétation
de Mme Crusson puisque ce sont des marins qui enlèvent Cœur de rose
pour une destination inconnue.
Si
Guérande, la cité du sel (1), tient la vedette dans cette histoire,
on trouve aussi bon nombre de versions qui la situent dans les
faubourgs de Nantes.
notes
1 - histoire de faire encore plus couleur locales certaines des chansons collectées en pays de Guérande présentent l'amoureux comme un saunier.
interprète
: Daniel Lehuédé
source :
Constance Crusson, de La Baule (Loire-Atlantique) collectée en 1989
par Roland Brou
catalogue
P. Coirault : La belle dont les cheveux viennent jusqu’aux
talons (Rapts – N° 01329)
catalogue
C. Laforte : La belle aux cheveux tressés (1-M-05)
Dan les faubourgs de Guérande
C’est
dans les faubourgs de Guérande (bis)
Dans
la plus haute maison, verse à boire
Dans
la plus haute maison, verse à boire et buvons donc
Là
où il y a trois jolies filles (bis)
Bonnes
à marier soit dit-on, verse à boire
Bonnes
à marier soit dit-on, verse à boire et buvons donc
Y’en
a une qui s’appelle Jeanne (bis)
Et
l’autre belle Jeanneton, verse à boire
Et
l’autre belle Jeanneton, verse à boire et buvons donc
Et
l’autre petit Cœur de Rose (bis)
Cœur
de Rose c’est un beau nom, verse à boire
Cœur
de Rose c’est un beau nom, verse à boire et buvons donc
Elles
ont tout’s trois de beaux cheveux jaunes (bis)
Qui
leur surpassent les talons, verse à boire
Qui
leur surpassent les talons, verse à boire et buvons donc
C’est
son p’tit frère qui leur les tresse (bis)
Brins
à brins, à trois cordons, verse à boire
Brins
à brins, à trois cordons, verse à boire et buvons donc
Lui
dit : ma sœur, vous êtes belle (bis)
Les
soldats vous emmèneront, verse à boire
Les
soldats vous emmèneront, verse à boire et buvons donc
Les
soldats n’emmènent point les filles (bis)
Ils
enlèvent que les garçons, verse à boire
Ils
enlèvent que les garçons, verse à boire et buvons donc
La
parole ne fut pas dite (bis)
Les
marins plein la maison, verse à boire
Les
marins plein la maison, verse à boire et buvons donc
Ils
ont enlevé p’tit Cœur de Rose (bis)
La
plus belle fille du canton, verse à boire
La
plus belle fille du canton, verse à boire et buvons donc.
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