Dans
la famille des nombreuses chansons localisées sur les ponts de
Nantes voici celle du coq qui chante. Que nous dit il ce bel
emplumé ? Que les hommes préfèrent les blondes ? Que les
brunes ne comptent pas pour des prunes ? Au delà d'une revue
des couleurs y-a-t-il un message dans cette chanson ?
N'espérez
pas que nous répondions à toutes ces questions. Ce qui nous amuse
avec cette version qui vient du Pays de Retz, c'est que sa
conclusion, contrairement à l'habitude, n'hésite pas à donner
clairement les avantages du choix d'une « brunette ».
pour
écouter la chanson et lire la suite
Ce
coq qui chante est un personnage qui permet de prendre de la
distance avec les opinions exprimées. Sans être tout à fait de la
catégorie des oiseaux messagers d'amour comme le rossignol ou
l'alouette auxquels nous sommes habitués, il permet au chanteur de
dénigrer sans être complètement tenu pour responsable de ses
propos. C'est bien commode car on en connaît qui pourraient se
vexer.
De
toutes les chansons bâties sur ce modèle celles qui ont pour cadre
les ponts de Nantes sont les plus nombreuses. Mais nous en avons
aussi rencontré qui débutent par :
Dessus
le pont de Nantes
Entre
Paris et Nantes
Au
jardin de ma tante
Dans
la cour à ma tante
Tout
là haut chez ma tante
Derrière
notre grange
Le
long de la vigne
La
plus ancienne version imprimé à laquelle nous ayons eu accès
débute par la formule :
Au
jardin de ma tante - Il y a une ante
Et
dessus cet ante - il y a un coq qui chante
Nous
sommes en 1628 dans le Parnasse des muses (1). A partir de quand le
pont de Nantes a-t-il remplacé le jardin de ma tante comme
introduction préférée de cette chanson ? Nous n'en savons
rien. Probablement par besoin d'une rime en « ante » et
contagion avec d'autres chansons. Il existe en effet pas loin de dix
chansons types qui utilisent cette formule « dessus le pont de
Nantes » (2).
Pour
ce qui est du refrain « Vive la jeunesse qui ne vit que
d’amour » il apparaît dans la version donnée par Ballard en
1724 (3). Elle est suffisamment connue pour servir de timbre à
d'autres chansons. Mais le texte vit sa vie indépendamment. Ce qui
fait qu'on le rencontre parfois avec d'autres refrains tels que :
Votre
cotillon vole les filles
Plantons
le romarin
et
même une antithèse du notre sous la forme :
Je
suis bien à plaindre j'ai perdu mes amours
beaucoup
plus morose que :
Vivent
les fillettes qu'entretiennent l'amour
La
revue des couleurs se limite souvent aux trois principales teintes de
cheveux, mais déborde parfois sur d'autres caractères. Par exemple
la chanson imprimée par Ballard en énumère vingt deux. Vous la
trouverez ci dessous après la notre, de même que celle du Parnasse
des muses.
Enfin,
ce qui fait tout le charme de notre version locale c'est sa chute
optimiste. Non, toutes les femmes ne sont pas rejetées par notre
coq. Il en est qui trouvent grâce à ses yeux. Et pour quels
atouts ! Elles brassent bien la couchette !
Si
cette fin n'est pas unique elle est tout de même assez peu courante.
Les brunettes se contentent généralement d'être joliettes,
gentillettes ou mignonnettes, voire grassouillettes. Les précisions
quand à leurs performances dans la couchette se retrouvent quasiment
toutes dans des versions notées au sud de la Loire (4). Le terme
« brunette » ne fait aucune référence aux teintes
capillaires. Il est simplement un synonyme de « jeune fille ».
Encore
plus étonnante est la finale notée par Conrad Laforte dans une
grand-danse entendue, en 1976, lors d'un séjour en Vendée :
Prenez
donc ces rentières
Car
elle sont bien à l'aise
Mais
là on s'écarte du sujet, l'amour laissant place à l'intérêt !
notes
1
- le Parnasse des muses / second tome du parnasse des chansons à
danser... – Charles Hulpeau, Paris 1628
2
– pour sa signification voir l'article n° de ce blog – Nous vous
donnerons prochainement la liste de ces chansons.
3
– Les rondes, chansons à danser, de Jean-Baptiste Christophe
Ballard – Paris 1724. La chanson est dans le tome 2, page 120
4
– Loire-Atlantique, Vendée, Poitou...dans les recueils de Bujeaud,
Guéraud, etc
interprètes :
Jean-Louis Auneau avec Daniel
Lehuédé, Jean Auffray et Dominique Juteau
source :
quatre vingt chansons du Pays de Retz, cahier de chansons du
ménétrier Poiraud, compilé par Michel Gauthier
catalogue
Coirault : 2401 – le coq qui chante
catalogue
Laforte : 1, I-13 – le coq qui chante
Dessus
les ponts de Nantes )
Dessus
les ponts de Nantes ) R
L’y
a-t-un coq qui chante
La
nuit et le jour
Vive
la jeunesse qui ne vit que d’amour ) R
L’y
a-t-un coq qui chante
L’y
a-t-un coq qui chante
On
sait ce qu’il demande
La
nuit et le jour
Vive
la jeunesse qui ne vit que d’amour
On
ne sait ce qu'il demande
Il
demande femme (fille) à prendre
Ne
prenez point ces blondes
(car
elles sont trop fécondes)
Car
toujours elles vous grondent
Ne
prenez pas ces noires
Car
elles aiment trop à boire
Ne
prenez pas ces rouges
Car
elles sont trop farouches
Prenez
moi ces brunettes
Car
elles sont gentillettes
Elles
brassent bien la couchette
2
- Les rondes, chansons à danser... de Jean-Baptiste Christophe
Ballard – Paris 1724 – tome 2, page 120
Qui
prend trop vite femme
Peste
après dans son âme
la
nuit et le jour
Vive
la jeunesse qui ne vit que d'amour
N
'en prenez point de brune,
Car
elle est trop commune,
N'en
prenez point de blonde
Elle
aime tout le monde,
N'en
prenez point de rousse
Car
trop elle trémousse,
N'en
prenez point de grande
Car
elle est trop friande,
Évitez
la petite
Trop
grand est son mérite,
N'en
prenez point de grosse
Ce
n'est qu'un vrai colosse ,
N'en
prenez point de maigre
Elle
a le cœur trop aigre,
N'en
prenez point de grasse
On
trouve trop de crasse,
Évitez
la menue
Car
trop elle remue,
Fuyez
la babillarde,
Car
trop elle bazarde,
Évitez
la sournoise
Qui
cherche toujours noise,
Fuyez
la fainéante
Qui
n'est jamais contente,
Évitez
la coquette,
Qui
cherche un tête-à-tête,
Fuyez
la,précieuse
Car
elle est trop quinteuse
Évitez
la bigote
Qui
sans cesse ragotte,
Ne
prenez point de prude
Elle
a l'esprit trop rude,
Évitez
l'ivrognesse,
Elle
a trop de hardiesse
Ne
prenez point d'avare
Son
intérêt l'égare
Évitez
l'étourdie
Elle
ferait folie,
Fuyez
une joueuse
Elle
est toujours tricheuse,
Fuyez
une prodigue
Elle
aime trop l'intrigue,
Fuyez
une savante
Elle
est trop méprisante,
Prenez
de ces Brunettes,
Elles
sont joliettes.
3
- Le Parnasse des muses – Charles Hulpeau, Paris 1628
Au
jardin de ma tante
Il
y a une ante
Et
dessus cet ante
il
y a un coq qui chante
Et
qu'est ce qu'il demande
Il
y demande femme
Il
y en a tant en France
Et
de noire et de blanche
ne
prenez pas ces blanches
elles
sont trop friandes
Prenez
y ces brunettes
Elles
y sont joliettes
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