Qu'allait-il faire dans cette galère ?.
Pour paraphraser Jean-Baptiste (1) c'est ce qu'on a envie de se
demander au sujet du héros de la chanson. Qu'est ce qui pouvait bien
pousser les jeunes gens de nos campagnes à s'engager, pour le
regretter ensuite et déserter à la première occasion ?
Les chansons de déserteurs sont si
nombreuses que cela mériterait une vraie étude. Celle de la semaine
en cours a un dénouement heureux. On ne peut pas en dire autant de
toutes. Dans la plupart, le message pour la belle se résume par
« elle ne me reverra jamais, quelle fasse choix d'un autre
amant ».
Dans l'abondance d'ouvrages consacrés
à la chanson militaire, qui regorgent pourtant de chansons
traditionnelles, le déserteur est passé sous silence. Comme c'est
bizarre (2). Sans attendre Boris Vian, le déserteur a trouvé place
dans de nombreuses chansons. Les raisons...
lire la suite et écouter la chanson
... de s'engager, à une époque
qui précédait la conscription obligatoire, sont diverses et
variées : chagrin d'amour, envie de voir du pays, besoin de
s'affirmer, besoin d'argent ou tout simplement manque de travail. En
effet on aurait tort de croire que la « montée du chômage »
est liée aux chocs pétroliers des années 70. Bien avant les
avatars de la révolution industrielle et du dépeuplement des
campagnes, la question de la subsistance s'est posée pour des
générations de jeunes paysans. De ces familles systématiquement
nombreuses seuls les aînés étaient généralement assurés de
trouver un débouché localement. La tentation d'accepter des offres
souvent mieux payées que de louer ses bras sur place était donc
grande. Quand ce n'était pas tout simplement la réquisition du
seigneur, du roi... ou de la république en danger.
Comme il est très difficile de dater
cette chanson nous la prendrons donc au moment où le jeune soldat,
victime du mal du pays, a pris la tangente dans l'espoir de trouver
le réconfort dans les bras de sa blonde. Le point commun de ces
chansons de désertion c'est l'arrestation par les gendarmes. Il est
difficile d'échapper à la prison, et c'est là que les versions
divergent. Tantôt cela finit mal, d'une manière définitive sur
l'échafaud, ou par un retour au régiment. Tantôt, la blonde
implore les gradés d'épargner son bien aimé. Parfois la ruse s'en
mêle et le déserteur gracié par le fils du roi ne pense déjà
qu'à la façon de recommencer.
Dans cette version, un peu idyllique, la grâce royale aboutit au mariage. Cette « happy end » (3) caractérise le type qu'on retrouve noté en pays nantais à la fois par Abel Soreau et par Armand Guéraud (4). Le déroulement est quasi identique si ce n'est que chez Guéraud le soldat originaire d'Angers est emprisonné à Rennes. On retrouve la même localisation dans la chanson, fragmentaire, collectée par Albert Poulain à St Jean la Poterie, dans le pays de Redon (5). Enfin, plus exotique, le régiment et la prison sont situés à Alger dans la version chantée par Roland Brou sur le CD « chansons à danser en presqu’île guérandaise » (6).
Dans cette version, un peu idyllique, la grâce royale aboutit au mariage. Cette « happy end » (3) caractérise le type qu'on retrouve noté en pays nantais à la fois par Abel Soreau et par Armand Guéraud (4). Le déroulement est quasi identique si ce n'est que chez Guéraud le soldat originaire d'Angers est emprisonné à Rennes. On retrouve la même localisation dans la chanson, fragmentaire, collectée par Albert Poulain à St Jean la Poterie, dans le pays de Redon (5). Enfin, plus exotique, le régiment et la prison sont situés à Alger dans la version chantée par Roland Brou sur le CD « chansons à danser en presqu’île guérandaise » (6).
Chaque chanteur semble donc adapter le
texte à son environnement. Collectée à Guémené (7) la chanson de
la semaine se réfère à des éléments locaux. Le plus célèbre
est situé à Nantes, sur la place du Bouffay, là ou se tenait la
prison sous l'ancien régime. Il s'agit de la fameuse prison de
Nantes dont un prisonnier s'évade en sautant dans la Loire. Elle
disparut bien avant les comblements du fleuve, ce qui permet de dire
sans trop se tromper que notre chanson de la semaine a de la
bouteille (8).
Notes
1 – Poquelin
2 – Vous avez dit bizarre ! Une
exception: les chansons du soldat, de Claudius Servettaz – centre
alpin et rhodanien d'ethnologie – édité en 1997
3 – cherchez pas, c'est du breton.
4 – page 136 vol. 1 de chants
populaires en Bretagne et Poitou d'A. Guéraud (FAMDT 1995)
5 – carnets de route d'Albert Poulain
– publié par Dastum et les presses universitaires de Rennes en
2011
6 – disque enregistré par Dastum en
1999. Aujourd'hui épuisé et dont la réédition n'est pas
envisagée, hélas, pour des raisons financières.
7 – Guémené-Penfao, en
Loire-Atlantique et non pas la capitale de l'andouille, Guémené sur
Scorff (56).
8 – Tout comme le rédacteur de ce
blog, qui vous abreuve de notes et promettrait bien qu'il ne le fera
plus. Mais on sait ce qu'il en est des serments d'ivrogne … !
C’est un jeune militaire
C’est un jeune militaire du bourg de
Guémené (bis)
Qu’a voulu déserter, traridera
derère
Qu’a voulu déserter sans avoir son
congé
Mais l’pauvre gars sur la route
trouve la maréchaussée (bis)
Soldat où est ton congé, traridera
derère
Soldat où est ton congé qu’on lui a
demandé
Le congé que je porte il est sous mes
souliers (bis)
L’ont pris, l’ont garotté,
traridera derère
L’ont pris, l’ont garotté, à
Nantes l’ont emmené
Au bout de six semaines son procès fut
réglé (bis)
Le pauvre infortuné, traridera derère
Le pauvre infortuné à mort fut
condamné
Il fut jugé à pendre, pendre ou à
rouer (bis)
Sur la place du Bouffay, traridera
derère
Sur la place du Bouffay par un jour de
marché
Mais voici qu’sur la place au milieu
du marché (bis)
Par le roy envoyé, traridera derère
Par le roy envoyé apparaît un
courrier
Soldat, quel est ton crime, demande le
courrier (bis)
As-tu volé, pillé, traridera derère
As-tu volé, pillé, as-tu z’sassiné
Pour l’amour de ma mie qu’à
Guém’né j’ai laissée (bis)
J’ai voulu déserter, traridera
derère
J’ai voulu déserter sans avoir mon
congé
Tiens, le roy te fait grâce et voici
ton congé (bis)
Ta mie, à Guémené, traridera derère
Ta mie, à Guémené, va-t’en vite
l’épouser.
source : Abel Soreau informateur
: Sophie Lemarchand, de Guémené-Penfao – 27 septembre 1899
interprète : Bruno Nourry
référence du catalogue Coirault : 6805 les trois dragons
déserteurs
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