Voici
une chanson qui va vous épargner des abonnements à Rustica et au
Chasseur français. C’est un vrai traité du jardinage et du
maraîchage qui a été recueilli par Armand Guéraud. Celui ci en
indique pour auteur l'abbé François Gusteau (1699 -1761).
Originaire de la région de Fontenay le Comte en sud Vendée, cet
ecclésiastique a écrit divers ouvrages dont un recueil de noëls et
de poésies patoises.
Ce qui confirme que ce texte est bien du milieu du 18ème siècle c’est que l’énumération des produits du jardin dans ces couplets ne fait mention que de variétés anciennes. Abondance de choux, de pois, de salades et porées (1) qui pour la plupart faisaient l’ordinaire de nos ancêtres. En revanche nulle trace des incorporations plus récentes de la gastronomie française : la tomate, l’ endive et surtout la pomme de terre.
Ce qui confirme que ce texte est bien du milieu du 18ème siècle c’est que l’énumération des produits du jardin dans ces couplets ne fait mention que de variétés anciennes. Abondance de choux, de pois, de salades et porées (1) qui pour la plupart faisaient l’ordinaire de nos ancêtres. En revanche nulle trace des incorporations plus récentes de la gastronomie française : la tomate, l’ endive et surtout la pomme de terre.
L’histoire
de la consommation des fruits et légumes est jalonnée d’interdits
religieux et de suspicions pour les produits nouveaux. Au moyen âge
ce sont, malgré cela, les potagers des monastères et des châteaux
qui comptaient le plus de variétés nouvelles ou sortant de
l’ordinaire. Les croisades, la découverte de nouveaux mondes, les
échanges ....
Ecouter la chanson et lire la suite
...de la renaissance ont peu à peu enrichi la table des
citadins avec le développement des maraîchers autour des villes.
Épinards, artichauts, melons sont ainsi arrivés dans les jardins.
Mais les habitants des campagnes ont longtemps conservé des
habitudes alimentaires basées sur la consommation de toutes les
sortes de choux et de fèves. La mogette, variété de haricot blanc,
n’a jamais autant été consommée qu’en Vendée.
Les
fruits cités dans la chanson sont connus chez nous depuis des temps
reculés. En revanche il n’y est pas question des fraises dont les
variétés cultivées actuellement sont apparues au début du 18ème.
Les oranges, pourtant si présentes dans les chansons traditionnelles
n’étaient cultivées que dans des orangeraies et donc réservées
à une élite (voir chanson N° 43). Les abricots qui se sont
répandus au 18ème étaient déjà connus depuis la renaissance.
Quand
aux vedettes de nos tables elles sont arrivées plus récemment. La
pomme de terre originaire d’Amérique du sud, comme la tomate, doit
son succès aux guerres franco-allemandes. Parmentier, prisonnier en
Westphalie en 1763, avait pu l’apprécier, mais eu bien du mal à
l’imposer à une population qui la trouvait juste bonne à
engraisser les cochons et face à une rumeur qui l’accusait de
propager des maladies. La tomate, déjà connue autour de la
méditerranée, se répandit dans les temps de la révolution grâce
aux marseillais, montés à Paris. On leur doit aussi une autre
chanson (2), mais qui ne trouvera pas sa place dans ce blog !
Enfin,
pour la bonne bouche, ni l’endive apparue vers 1850, ni la carotte,
dont la consommation sous sa forme actuelle a été relancée au
19ème, ne sont cultivées par notre chansonnier.
Cette
chanson est sans doute à rapprocher d’une habitude qui consistait
à faire chanter les apprentis cuisiniers pour leur faciliter la
mémorisation de recettes. Vous en trouverez un bel exemple chanté
par Roland Brou et Patrick Couton sur leur CD « complaintes et
chansons » (3). Ce texte, qui donne la recette du godiveau de
poisson, date de l'époque de Louis XV, justement celle où l'abbé
Gusteau écrivait ses poèmes.
Bon
appétit et à la semaine prochaine.
Notes
1
- porée = poireaux
2
– allons, enfants de la partie, vous voyez bien ce qu’on veut
dire.
3
– Brou & Couton – complaintes et chansons – publié en 2005
Chanson
sur le jardinage,
applicable au
climat de l'ouest de la France,
sur l'air du
bon branle ou Prête
tes lunettes Colin
Je
suis le jardinier français
Et
voici ma science
En
janvier mes labours je fais
Vers
le vingt, je commence
A
semer poireaux et oignons
Laitue,
échalotes, chicons
Et
pois en jeune lune
Ce
qui couvert de paillassons
Quelque
fois fait fortune
En
février, ce rude (de) mois
Je
sème ail et poraée
Choux
à pommes et primes pois
Et
fèves hasardées
Je
prépare mes espaliers
Je
taille pommiers et poiriers
Et
les pruniers de même
Les
abricotiers et pêchers
Se
taillent en carême
En
la pleine lune de mars
Je
sème d’ordinaire
Céleri,
raiforts, épinards
Salsifis,
scorsonaire
Bettes,
pourpier, panais, chervis
Chicons,
laitues, appétits
Le
melon et concombre
Se
sèment alors chez gens hardis
Et
ce n’est point z’à l’ombre
Je
sème, vers la fin d’avril
Chicorée
et laitue
Pourpier,
basilic et persil
Si
ma graine est perdue
Par
le froid du précédent mois
Je
sème une seconde fois
Des
melons et le reste
Des
mogettes et de longs pois
Que
trop de chaud moleste
En
mai, je sème des raiforts
Dans
toutes les semaines
Et
n’épargne point les efforts
Pour
arroser mes graines
Je
sème, en la même saison
D’autres
mogettes, des pois longs
Basilic,
chicorée
Salades
de toute façon
Qu’humecte
la rosée
En
juin, j’arrose tous les jours
Et
je surgis la terre
L’eau
ne fait rien sans ce secours
Elle
nuit au contraire
Je
plante aussi dedans ce mois
Mon
céleri, je sème pois
Navets
et chicorée
Et
d’autres graines, quand je vois
Que
la terre est mouillée
Juillet
est ressemblant à juin
En
ce mois, mêmes peines
Ainsi
j’arrose mon jardin
Et
recueille mes graines
Des
oignons, je romps les montans
Et
je replante les choux blancs
Je
sème des choux pommes
Epinards,
choux-fleurs et piment
Oignons
et choux de Rome
En
août, je m’applique à semer
Des
choux de toute sorte
Afin
d’en avoir à manger
Dans
l’hiver, saison morte
Je
sème aussi des épinards
Qui
courent de fort grands hasards
Je
sème aussi des cardes
Que
je replante au mois de mars
Si
la chaleur les garde
Je
sème en septembre, temps frais
Choux
à pomme en des caisses
Mes
choux-fleurs m’occupent après
Je
les lie et les presse
Je
sème ce qu’on sème en août
Je
foule aux pieds, de bout en bout
Les
planches de racines
Pour
donner aux cardons leur goût
La
paille, je destine
En
octobre, peu de travaux
Le
flambeau de la terre
Ne
rendant plus nos climats chauds
Il
n’est plus rien à faire
Cependant,
vers la Saint-Venant
On
sème l’ail communément
Ainsi
que des pois primes
Qu’on
expose au soleil levant
Selon
le bon régime
On
sème des pois et de l’ail
Dans
le mois de novembre
On
ajoute au même travail
Des
fèves en décembre
Et
l’on sème entre les choux-fleurs
Racines
de toutes couleurs
Les
artichauts s‘affrouent
Pour
bien conserver leur chaleur
Et
les treillis se clouent.
source :
chanson
d'auteur de l’abbé François Gusteau (publiée par Armand Guéraud)
interprète:
Hugo Aribart
non
répertorié dans les catalogues Coirault et Laforte
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