samedi 18 septembre 2021

385 - C’est t’y donc joli un pommier fleuri

 Cette semaine, et la prochaine, nous allons vous proposer de suivre avec nous l'évolution d'une chanson. Ce qu'on pourrait appeler un processus de folklorisation. Un phénomène qui concerne sans doute un grand nombre de chansons traditionnelles, mais que l'on a rarement l'occasion de pouvoir observer « en direct ». Comment une chanson, dont l'auteur nous est connu, prend-elle son indépendance pour évoluer, dans sa forme, sa mélodie et ses paroles. Mais d'abord écoutons cette première version.

Pour écouter la chanson et lire la suite :

La chanson que vous venez d'entendre est fidèle à l'interprétation qui en a été faite sur la scène du concours de la Bogue d'or à Redon, il y a peu d'années. La première remarque qu'on peut faire en l'écoutant c'est qu'elle est adaptée à un rythme de danse. Pierre Paboeuf, son interprète à la Bogue tient cette chanson d'un répertoire familial. Vous pouvez remonter à sa source en écoutant sur la base Dastumedia, l'enregistrement fait de Constant Paboeuf dans les années 80 (1). La fiche répertoriant cette chanson dans la base la définit comme « chanson traditionnelle ». C'est à la fois vrai et inexact.

Vrai, car nous sommes en présence d'une chanson qui a vraiment pris son indépendance par rapport à ses origines. Elle a été enregistrée plusieurs fois en Loire-Atlantique chez des personnes qui l'avaient apprises de tradition orale, probablement sans se soucier de son origine, mais en conservant ses caractéristiques mélodiques.

Inexact, car cette chanson a été publiée pour la première fois en 1925 par son auteur, François Tuard, alors curé de Saillé, dans le premier tome de ses compositions : « chansons de Saillé ».

Le but de ces précisions n'est pas de créer une polémique. Comme beaucoup d'autres cette chanson est intégrée dans le répertoire de chanteurs de tradition qui ignorent généralement d'où elles viennent. C'est aussi le cas de certaines œuvres de Th. Botrel moins connues que la Paimpolaise. C'est encore le cas pour des auteurs contemporains, tel Yvon Guilcher ; nous avons déjà eu l'occasion d'en parler (2).

Ce qui est le plus intéressant avec cet air à danser c'est qu'il a commencé à vivre sa propre destinée. Il ne s'agit plus de l'interprétation de la mélodie originelle et des paroles qui vont avec. Après l'étape d'une génération intermédiaire, la mélodie a été adaptée pour les besoins de la danse et les paroles et la structure ont eu besoin d'être adaptées elles aussi.

On voit ainsi sur une période relativement courte à l'échelle de la tradition (moins d'un siècle) comment une chanson entre dans le domaine public et commence à évoluer par son interprétation dans des circonstances différentes de celles qu'avait imaginées son auteur. On peu penser, en effet, que l'aspect moralisateur du texte de l'abbé Tuard se prêtait mieux à la simple écoute qu'à une utilisation festive !

La semaine prochaine nous remonterons à la source de cette chanson avec une interprétation de la version originelle.


notes

1 - Les pommiers sont fleuris – enregistré à Questembert en janvier 1981 – fichier son n° 00823.mp3

2 – cf chansons n° 110 Garçon marinier, et 175 Derrière chez nous y a une lande, pour Y. Guilcher et n° 114 Il est une fillette, pour Botrel


interprètes : Roland Guillou et Yannick Elain

source : version chantée à la Bogue d'or à Redon en 2015 par Pierre Paboeuf, d'après

Constant Paboeuf de Questembert (fichier Dastumédia : 00823.mp3)



(C’est) Jean-Louis disait à sa femme

Tous pommiers sont bien fleuris


Je cré ben (ma) qu’j’aurons des pommes

J’pourrons p’têt’ ben n’en vendr’ un p’tit


C’est t’y donc joli un pommier fleuri l

Mais c’est t’y laid un ivrogne aussi l 2 fois


Je cré ben (ma) que j’arons des pommes

J’pourrons p’têt’ ben n’en vendr’ un p’tit


Je cré ben (ma) j’arons trop d’pommes

J’pourrai ben faire du cid’ un p’tit


(Mais) Personne ne voudra d’nos pommes

Et pis not’ cid’ n’aura point d’prix


C’qui s’rait ben mieux ma pauv’ bonn’ femm’

C’est d’en boire tous les jours un p’tit


J’t ‘empêch’rai point mon pauv’ bon homme

Car à tous coups t’es maitre ici


Et mai qu’je seu ta pauv’ bonn’ femme

Je n’suis point malheureuse qu’un p’tit

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