vendredi 16 août 2019

306 - Noël nantais


Est-ce un effet du dérèglement climatique qui nous vaut une chanson de Noël en plein milieu de l'été ? Si vous fréquentez régulièrement ces pages, vous savez que nous aimons bien publier des textes hors saison. Et puis quoi de mieux qu'un bon vieux noël pour combattre les effets de la canicule.
Ce chant populaire provient des recherches de Bernard de Parades pour son étude « Nantes la bien chantée », projet dont nous avons pris la suite. Le texte est issu d'un recueil de noëls anciens de Nantes (1).
Pour écouter la chanson et lire la suite :


Un des caractères les plus constants de ce type de chants est la volonté de rassembler la population autour d'un événement convivial. La fête de Noël réussit en effet à fusionner encore aujourd'hui, croyants ou non, autour d'un repas familial et des cadeaux destinés aux enfants. Même si son coté mercantile, accentué par le triomphe de la société de consommation, agace un peu, c'est une des rares circonstances qui réussisse à faire l'unanimité.
Beaucoup de noëls populaires sont prétexte à des énumérations où l'auteur cherche à n'oublier personne : professions, villages, quartiers... Ici ce sont les paroisses de la ville de Nantes qui sont conviées à célébrer la naissance de l'enfant Jésus. Preuve de l'ancienneté de la chanson, si certaines de ces paroisses nous sont encore connues aujourd'hui, d'autres ont disparu avec le temps. En fait, on peut dater cette composition antérieure à la révolution car c'est à cette époque que les nombreuses petites paroisses du centre ville (St Laurent, Ste Radegonde, St Saturnin, St Denis...) ont été regroupées dans des entités plus importantes (Ste Croix, St Nicolas, la cathédrale St Pierre). Leurs lieux de culte ont été vendus comme bien national, détruits ou réaffectés à d'autres usages (2).
Pour ce qui est des congrégations, propriétaires de nombreux couvents à l'intérieur des murs de la ville, leur présence aujourd'hui n'est plus attestée que par des noms de rues : rue des carmes, des cordeliers, des récolets, place des jacobins...
Un seul doute subsiste sur l'existence réelle de Saint Sambin, dont nous n'avons pas retrouvé la trace. Bien que ce nom soit ainsi orthographié dans le document original, le plus probable est qu'une erreur de transcription ou de typographie ait transformé Saint Similien, qui n’apparaît pas dans la liste alors que son existence est attestée depuis le 5è siècle. C'était alors la seule église hors les murs, avec St Donatien. Similien était un évêque de Nantes du siècle précédent, Donatien et son frère Rogatien sont deux martyrs à l'origine du christianisme dans la cité nantaise.
A l'époque de cette chanson, Saint Jacques était la seule paroisse au sud de la Loire. Notre Dame, correspondant à l'actuelle cathédrale n'a rien à voir avec Notre Dame de bon port, édifiée au début du 19è à la place du sanitat qui fut léproserie, hôpital ou prison tour à tour. L'Oratoire, dont il ne reste que l'ancienne chapelle transformée récemment en musée, et le séminaire se trouvaient alors dans la paroisse Saint Clément.
Voici donc effectué le tour complet des paroisses d'une ville confinée à des limites qui nous paraissent maintenant bien exiguës. De nombreuses églises sont venues s'ajouter au fur et à mesure de l'extension des quartiers, comme Sainte Thérèse et Saint Félix au nord, Sainte Anne à l'ouest ou Sainte Madeleine sur l’île, pour ne citer que les plus connues.
On ne compose plus de tels noëls de nos jours ; ils étaient plus proches de la chanson populaire que du cantique et connaissaient une réelle popularité auprès des paroissiens.
Un adage pour finir : Noël au quinze août, Pâques au biniou ! C'est un peu capillotracté (3) mais sans doute le soleil nous a-t-il trop tapé sur le crâne. A bientôt pour d'autres chansons, intemporelles cette fois.

notes
1 – peut être la « grande bible des noëls vieux et nouveaux », publiée à Nantes par l'imprimeur Querro, à une date inconnue (à confirmer)
2 - d'après deux sources : les archives en ligne du diocèse de Nantes et l'article d'Alain Croix et Marcel Launay dans le Dictionnaire de Nantes (P.U.R. - 2013)
3 – on avait aussi : en Anjou, au Pérou, à Moscou, chez les papous ou au fond du trou...si ça ne vous convient pas précipitez vous sur votre dictionnaire de rimes. Et v'la le bout.

Interprètes : Janig Juteau, puis Annick Mousset, Isabelle Maillocheau, Aurélie Aoustin, Béatrice Denoue, Jean-Louis Auneau, Roland Guillou
source : d’après un ancien recueil de chants, (pages 123-124 ) titre original : Noël nantais, des couvents et paroisses de Nantes – document du fonds Bernard De Parades (Dastum 44)


A la venue de Noël
Peuple chrétien, il nous faut tous chanter
Et célébrons la mémoire
D’un Dieu dépouillé de sa gloire

Peuple de Nantes, accourez tous
Ce cher enfant vient de naître pour tous
Il est couché dans une crèche
La pauvreté, il vous prêche

A Notre-Dame faut aller
Et vous verrez cet enfant nouveau né
Déjà le peuple de Saint Pierre
Y va pour offrir sa prière

Tout le quartier de Saint-Léonard
Pour l’adorer de toutes parts
Saint-Nicolas descend sans doute
Et Saint Sambin en prend la route

Saint Saturnin et Sainte Croix
Ensemble vont chantant à haute voix
Noël, honneur, gloire et louanges
A cet enfant qui est dans les langes

Saint Denis avec Saint Laurent
Sainte Radegonde et Saint Clément
Ils courent tous en diligence
Lui voulant rendre obéissance

Saint Jacques et Saint Donatien
Avec la paroisse de tous les saints
Ils s’en vont en foule à la crèche
Adorer l’enfant qui nous prêche

L’Oratoire convie aussi
Le séminaire d’aller avec lui
Et la communauté ensuite
En chantant un nouveau cantique

Les chartreux et les jacobins
Les minimes avec les capucins
Font tous une sainte retraite
Pour adorer leur divin maître.

Couplets non enregistrés :

Les Carmes avec les Cordeliers
Passent toute la nuit à chanter
Noël en grande réjouissance
Adorant dieu dans sa naissance

Les Récolets, dans leur couvent
Chantent à minuit dévotieusement
Noël, Noël, toute la nuitée
A la Vierge qui est accouchée

Les Bénédictins, d’un grand cœur
Disent qu’ils veulent imiter les pasteurs
Ils vont ensemble à l’étable
Pour y voir cet enfant aimable

Allons, chrétiens dévotieux
Allons, courons, en tous temps, en tous lieux
Imiter ceux de l’Hermitage
Qui ont commencé leur voyage

Supplions le divin Sauveur
Qu’il reçoive pour hommage nos cœurs
Que nous puissions avec les anges
Chanter dans le ciel ses louanges.


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