On avait failli l'oublier ! Presque cinq cents chansons dans ce blog et pas une seule ligne sur l'une des plus populaires de celles qui évoquent cette bonne ville de Nantes. Il était temps de réparer cette erreur en choisissant parmi ses nombreuses versions l'une de nos préférées. Un choix bien difficile tant cette chanson a généré des mélodies et des couplets dignes d'intérêt. Puisque l'histoire se situe près de chez nous, le choix s'est porté sur un modèle plusieurs fois collecté sur notre territoire.
Pour écouter la chanson et lire la suite :
Quelle que soit la raison invoquée pour le départ de l'amant – voyage d'affaires, service militaire, convocation royale...- l'essentiel du texte porte sur la manière de réparer un fâcheux oubli. Plus qu'une plante où un objet, c'est en fait une preuve d'amour que la jeune fille demande à son galant. De nos jours la quête d'un laurier peut nous sembler banale, voire étrange. D'autant que la symbolique du laurier n'est pas évidente en matière de sentiments amoureux. Il est généralement associé au triomphe et à la gloire. C'est la couronne de laurier qui orne le front des vainqueurs qu'ils soient sportifs, militaires ou « lauréats » d'un concours ou d'un examen.
Sachant qu'une autre chanson nous rappelle qu' « en été comme en hiver, les lauriers sont toujours verts », la plante symbolise aussi l'immortalité. Est-ce là ce que la fille veut faire entendre à son amant : un amour qui est fait pour durer éternellement ?
Dans d'autres versions la jeune fille réclame un cadeau plus utile ou moins symbolique : un corselet.
Un corselet avec des manches
Qui sera brodé de roses blanches
Descendre à la ville pour faire les magasins, voilà qui ne date pas d'hier. Heureusement, car la chanson est bien antérieure à notre siècle où on peut se faire livrer le dernier article à la mode en 24 heures chrono. A quel genre de scénario aurions nous eu droit si l'époque avait déjà adopté la « fast fashion » !
Nous voilà donc avec ce nigaud qui s'est laissé impressionné par les lumières de la ville. Il pense à s'amuser et profiter des occasions de faire la fête. C'est quasiment toujours le cabaret et la boisson qui deviennent le symbole de sa mésaventure. Ils lui font perdre la tête et oublier l'essentiel. Comme un démon tentateur intervient alors la phrase quasi immuable :
Tu lui diras, tu mentiras...
De là faire croire qu'on ne trouve ni laurier ni corselet dans une ville comme Nantes, il est peu probable que la dulcinée accepte un tel argument. Mais l'écervelé s 'en tire bien finalement, et ses bons sentiments prennent le dessus sur un mauvais argument.
Le dernier couplet nous donne à choisir entre diverses comparaisons. La mer sans poissons fait souvent écho à :
Et la montagne sans vallons
La rime nous rappelle aussi l'origine ancienne de la chansons quand elle finit par :
...et Versailles sans ses richesses
Que de mentir à ma maitresse.
La bonne amie de notre débauché n'a d'ailleurs rien d'une princesse ; ici c'est une ouvrière. Dans d'autres chansons utilisant la même mélodie c'est une jeune boulangère (1).
Ce texte a été recueilli chez Mme Marie-Louise Tattevin née le 22 juin 1892 à Mesquer, et décédée le 14 juin 1982 à Saint-Nazaire. Elle était institutrice, issue d'un milieu de paysans et de paludiers. Plusieurs collecteurs se sont intéressé à son riche répertoire, dont Francine Lancelot et Fernand Guériff. Vous pouvez l'entendre sur la base Dastumedia.
Ne nous endormons pas sur nos lauriers. A bientôt avec une nouvelle chanson.
J-L. A.
notes
1 – collectes d'Hervé Dréan chez Berthe Tendron à Nivillac, et de Séverine Lenain-Boutoille chez Simone Hervoche à Herbignac
interprète : Oona Hengoat
source : répertoire de Mme Marie-Louise Tattevin – enregistrement en public lors d'une veillée à Mesquer
catalogue P. Coirault : la commission oubliée (2501)
catalogue C. Laforte : II, H-5, la commission oubliée
Je viens vous dire une chanson (bis)
C'est une jeune ouvrière (bis)
Son bel amant il s'en va la voir (bis)
S'en va la voir à la chandelle
Bonsoir ma mie, bonsoir la belle
Le soleil ne fut pas couché
que le point du jour est arrivé
Il a fallu quitter la belle
Pour faire son service militaire
A Nantes à Nantes si tu t'en vas,
Un beau laurier tu m'apporteras
Tu m'apporteras en assurance
Un des plus beaux lauriers de France
A Nantes à Nantes il s'en est allé
Au beau laurier il n'a pas pensé
Il a pensé à la débauche
Au cabaret comme les autres
Quand ce fut à moitié chemin,
Du beau laurier il se souvient
Que dira-t-elle ma mie Jeannette
Elle me dira que je la délaisse
Tu lui diras tu lui mentiras (bis)
Qu'il n'y avait pas de laurier dans Nantes
De la couleur qu'elle te demande
J'aimerais mieux la mer sans poissons (bis)
Et les filles sans amourettes
Que de mentir à ma maitresse
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