mercredi 15 novembre 2023

452 - La nuit comme le jour

 Comme chaque année fin octobre nous avons retrouvé avec plaisir ce grand rassemblement de la culture orale qu'est la « Bogue d'or » à Redon. C'est l'occasion de faire une petite incursion dans un département limitrophe, avec cette chanson qui, en peu de mots, arrive à suggérer beaucoup. Elle passe de l'amour avec un grand A à la trivialité des grands principes de la drague ; de la liberté des sentiments au rigorisme religieux ; partant du quotidien très terre à terre tout en nous baladant dans l'univers des métamorphoses.

Pour écouter la chanson et lire la suite :

Cette petite poésie rurale a été interprétée à plusieurs reprises à l'occasion de veillées ou assemblées de chant de ce coté ci de la Vilaine. Mais c'est bien dans le Morbihan gallo qu'il faut aller chercher sa source. Elle a en particulier trouvé sa place dans le recueil d'Albert Poulain « Carnets de route » publié par Dastum et les Presses Universitaires de Rennes en 2011 (1).

Nous avons utilisé cette chanson pour son pouvoir évocateur dans une veillée organisée sur le thème de l'anguille ; une commande du musée de l'Erdre, rivière où l'animal est encore pêché pour être vendu fumé ; un vrai régal.

Mais, trêve de gourmandise, c'est bien une chanson d'amour qui nous est proposée dans les trois premiers couplets. Une petite scène entre amoureux où intervient le symbole de la chute comme un appel au sexe opposé. En effet cette chanson fait partie des sujets réversibles qui peuvent aussi bien être interprétés au masculin qu'au féminin. C'est le cas dans les collectes que vous pouvez consulter sur Dastumedia. La situation se complique par l'intervention du confesseur qui se soucie de la moralité des jeunes filles et de leurs fréquentations. On se doute bien que cette excuse de la jeune fille ne va pas rester sans réponse de la part du galant. On s'attend à l'exposé d'autres arguments de sa part. Mais pourtant la chanson en reste là et nous laisse sur notre faim.

C'est un tout autre point de vue qui est abordé dans les trois couplets suivants (et derniers). C'est tout comme si cette chanson avait été bâtie en deux parties. L'une dans l'univers de l'amour romantique et de ses difficultés ; l'autre dans l'univers de la grivoiserie. Pourtant, ces trois couplets portent en eux une réminiscence d'une autre chanson très ancienne et très populaire : les métamorphoses (2). Dans celle ci les deux amants jouent à cours après moi que je t'attrape, se métamorphosant l'un après l'autre dans une chasse effrénée qui finit à bout d'arguments. Un scénario également très présent dans les contes populaires.

Ici, point de finale de ce genre puisqu'on se contente d'y énumérer les différents artifices utilisés par les garçons pour se mettre à portée (y compris de fusil !) des filles.
Cet argumentaire est encore présent dans d'autres chansons, comme par exemple dans ce couplet unique et mnémotechnique utilisé en pays de la Mée pour faire danser la scottsiche à sept pas :

Si les filles nageaient comme des anguilles

Les garçons comme des poissons

Toutes les filles mordraient à l'hameçon

N'allez pas croire que ce soit une chanson locale. Ce thème est répandu bien au delà de nos régions. Témoin cette chanson, "the hares on the mountain" enregistrée de l'autre coté du Channel, (3) qui dit tout bonnement la même chose :

Young women they run
Like hares on the mountain
If I were but a young man
I'd soon go a-huntin'

Avec les maréchaux du dernier couplet on est arrivé bien loin de la promenade sentimentale du début. Mais si lièvres, bécasses et anguilles vous ont mis en appétit, n'hésitez pas à chanter ces couplets.

J-L A.


notes

1 – chanson n° 227, page 355 – répertoire de Mme Anne-Marie Rio (pays de Loudéac) – cette version à 4 couplets a donné le titre au CD « la nuit comme le jour » du trio Brou-Hamon-Quimbert (Phare ouest PO203506 - 2008)

2 – voir chanson n° 305, en juillet 2019.

3 – chanson interprétée par Shirley Collins mais aussi des groupes comme « High Level Ranters » ou « Steeleye Span »


Interprète : Janig Juteau

Source : d'après les versions chantées par Albert Poulain, Mathieu Hamon, Charles Quimbert, Bruno Nourry...dans diverses veillées et assemblées de chant

Non cataloguée


L’autre jour m’y promenant le long de la rivière (bis)

Mes souliers ont glissé, je suis tombé par terre

La hi, la ho,la tra la la la

Mes souliers ont glissé, je suis tombé par terre

L’amour, la nuit comme le jour


Celle qui m’a relevé, c’était ma bien-aimée (bis)

J’aurai voulu lui faire

La hi, la ho,la tra la la la

J’aurai voulu lui faire

L’amour, la nuit comme le jour


Oh non, répondit-elle, je reviens de confesse…

Mon confesseur m’a dit fallait cesser de faire…


Si on chassait les filles comme on chasse la bécasse

On y verrait bientôt tous les gars à la chasse


Si on pêchait les filles comme on pêche les anguilles

On y verrait bientôt tous les gars à la ligne


Si l’on ferrait les filles comme on ferre les chevaux

On y verrait bientôt tous les gars maréchaux.

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