427 - Le berger galant

« Prenez en un, prenez en deux... », voilà un conseil qui revient souvent dans les chansons traditionnelles et qu'on a déjà entendu il n'y a pas si longtemps.(1) La situation n'est pas tout à fait la même ; l'argument principal non plus. Seule la conclusion est identique. En cette rentrée 2022, nous faisons donc dans le classique, avec cette chanson qui met une fois de plus en présence deux personnages très ordinaires : un berger et une bergère.
Pour écouter la chanson et lire la suite : 
Dastumla · 427 Le Berger Galant
Si vous faites une phobie des chansons de bergères, rien ne vous empêche d'actualiser les occupations : informaticien(ne), technicien(ne) de surface, chargé(e) de clientèle ou marchand(e) de pommes cuites. Ce n'est pas la profession qui compte mais la relation entre un gars et une fille dans un contexte parental difficile. Et ne venez pas nous dire que cette situation est désuète. On connaît bien des familles où le choix d'un(e) petit(e) ami(e) est source de conflits. Il est d'ailleurs curieux de constater que bien des gens qui dénigrent le passéisme des chansons de bergères s'extasient devant des monuments anciens ou ne jurent que par des musiques qui ont plus de 200 ans. Ce qui agace le plus dans les chansons de bergères ne serait ce pas qu'elles nous renvoient à des situations intemporelles et des personnages très ordinaires ?
Mais revenons donc à nos moutons. Cette jeune fille qui en pince pour le plus beau gars du village est très présente dans le répertoire traditionnel. On en trouve de nombreux exemples dans notre secteur et dans toute la Haute-Bretagne.
Nous avons vu dans une chanson précédente que l'attitude des parents pouvait changer du tout au tout entre le père et la mère. L'essentiel étant que la jeune fille puisse trouver un soutien au moins auprès de l'un deux.
La façon de présenter l'affaire peut également varier d'une version à l'autre. Le plus souvent, comme c'est le cas ici, c'est la fille qui s'exprime. Mais on trouve aussi des narrateurs masculins :
C'est une jeune fille à qui je fais la cour 
C'est une jeune fille de mon village
Je ne vous en dis pas davantage 
Il y a même – plus rarement – des chansons qui abordent le sujet d'un point vue extérieur, donc neutre :
C'est un berger qu'a fait l'amour 
A la plus belle fille du village...
Si le garçon tient à la fille « un doux langage » c'est généralement pour le bon motif. Ce n'est sans doute pas un hasard si pâturage, ombrage et davantage riment avec mariage ! Cette aventure amoureuse reste donc très sage. Encore que le dernier couplet  (dans neuf mois tout au plus) pourrait faire penser à la conséquence des rapports intimes des deux protagonistes. Mais il faudrait vraiment avoir l'esprit mal tourné pour le croire. Ou bien laisser son imagination vagabonder quand la jeune fille déclare (2) :
En écoutant ses beaux discours 
Je m'endormis sous le feuillage 

notes

1 – réécoutez, par exemple, la chanson n°423 - Marguerite au bois (juillet 2022)

2 – extrait d'une autre version collectée, elle aussi, dans le Pays de Retz

interprète : Liliane Berthe

source : 80 chansons du Pays de Retz, recueil du violoneux Poiraud, retranscrit par Michel Gautier (1942) air n° 50

catalogue P. Coirault : Mon berger est le plus beau du voisinage (4515 – berger et bergère)

1) Le berger qui me fait la cour, le berger qui me fait la cour.
    Il est le plus beau du village.
    Je n’vous en dis pas davantage.

2) Je rêvais qu’il était oiseau. Je rêvais qu’il était oiseau
    Et que mon cœur était la cage.
    Je n’vous en dis pas davantage.

3) Il mène mes moutons au champ ... Et les ramène au pâturage ...

4) Paissez, paissez, mes blancs moutons ... Paissez dessous ces verts ombrages ...

5) Pendant que les moutons paissaient ... M’entretenait d’un doux langage ...

6) Il me demande un doux baiser ... Un doux baiser, bien doux, bien sage ...

7) Prenez-en un , prenez-en deux ... N’allez pas le dire au village ...

8) Car si mon père le savait ... Grand dieu ! Il me ferait tapage ...

9) Dans un an, neuf mois tout au plus ... Oui,  je l’ai eu en mariage …