samedi 24 octobre 2020

358 - La ronde de la mariée

Peut on entonner gaillardement des chansons de maumariées pendant la journée des noces ? Apparemment la question ne se pose même pas. Tant pis pour les mauvais présages. Il est juste temps de s'amuser, à table ou à la danse. Le répertoire des chansons de mariage ne se prive pas de chansons sur les mariées laides ou les maris benêts, les femmes trompées ou les époux cocus. Celle ci n'est sans doute pas la plus inconvenante qu'on puisse entendre. Elle est connue un peu partout sous diverses formes mais prend ici une tournure inhabituelle.

Pour écouter la chanson et lire la suite :

Telle qu'elle se présente, cette chanson est une variante d'un thème fort répandu : « le vieillard au bâton de vert pommier ». Probablement la chanson de maumariée la plus populaire dans la tradition, tant on la retrouve sous des formes variées dans toutes les régions. Cependant, celle-ci dont les éléments ne laissent aucun doute sur son origine, élude l'argument principal de l'histoire. C'est à dire qu'elle passe sous silence l'épisode de maltraitance conjugale qui justifie la fuite de la mariée. Habituellement le vieux mari revient de la foire ou du marché sans rien rapporter à son épouse qu'un « bâton de vert pommier ». Alors qu'elle attend d'autres attentions de la part de son conjoint, ce cadeau symbolise cette attitude violente et précipite son départ du foyer :

S'il me bat je m'en irai...

Pour se venger de ce mari violent la victime annonce qu'elle l'abandonnera pour des personnages qui savent se comporter d'une meilleure façon avec les femmes. Cette façon est le plus souvent décrite sous la forme du jeu : cartes, dés mais surtout jeu de dames. Un double sens qui peut être une manière de préserver les oreilles d'un jeune public pas encore averti. Le clin d’œil aux adultes est évident avec :

le petit jeu que vous savez.

Notre chanson fait donc l'impasse sur la dénonciation des violences conjugales. Jadis, le sujet était pourtant tout aussi actuel qu'il peut l'être aujourd'hui. Mais les solutions n'étaient pas aussi évidentes. La séparation restait l'exception, la soumission la règle. Alors ce texte n'en parle pas et le motif tient uniquement au refus d'un mariage arrangé avec une trop grande différence d'âge. Plutôt que de prendre la fuite l'épousée se contente de faire cocu son vieux mari.

Deux questions se posent avec cette chanson : est-elle une danse ? Est-elle une chanson de noces ? Son aspect dansant n'échappera à personne même si, comme c'est presque toujours le cas dans le Pays de Retz, la forme de la danse ne nous est plus connue. Le refrain ne laisse guère de doute

Sautez haut, levez le pied

Avons nous à faire à une danse particulière, à un rituel de mariage, comme le titre semble le suggérer ? Le refrain ajoute lui aussi :

Voilà votre journée

Ce n'est pas certain, même si les repas et autres festivités de noces sont souvent l'occasion d'en entendre des vertes et des pas mures dans le domaine de la chanson. L'ancienneté de la collecte et l'absence de cette variante dans les enregistrements plus récents ne nous permet pas de le préciser davantage.


interprètes : Liliane Berthe, avec Armelle Petit et Christine Dufourmantelle

source : Quatre vingt chansons du Pays de Retz, cahier du violoneux Poiraud, (fin 19è siècle) compilé par Michel Gautier

catalogue P. Coirault : Le vieillard au bâton de vert pommier (5716 – maumariées aux vieillards)

catalogue C. Laforte : I, D-27 – la mariée battue


Mon père veut me marier

Sautez haut levez le pied

A un homm' de cent ans passés

madame la mariée

Sautez haut levez le pied

Voilà votre journée


A un homm' de cent ans passés

Si on m'y force, je le ferai


Au bois j'irai me promener

Avec ces prêtres et ces abbés

Et tous ces bons gars mariniers

Ils m'apprendront, j'leur apprendrai

Le jeu des cartes aussi des dés

Et le p'tit jeu que vous savez

Le jeu des dames après diner


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