vendredi 17 juin 2016

157 - C'était un garçon de merveille

Le premier vers de cette chanson est particulièrement trompeur sur le reste de l'histoire. Il y est question d'un garçon sortant de l'ordinaire, alors que tout le propos de cette chanson se rapporte aux malheurs d'une fille enceinte et délaissée. Trompeur comme le sont les garçons dans les chansons traditionnelles ? Pour un moment de plaisir dans la vie, on sent bien qu'elle va s'en repentir. Ce n'est pas la première fois que nous sommes confrontés à cette situation du galant qui n'assume pas ses responsabilités. Le compagnon « honnête » de notre chanson n° 131, laissait lui aussi sa belle avec un enfant sur les bras en lui assurant qu'elle n'aurait aucun mal à trouver un mari ! Ce compagnon avait au moins l'excuse d'un tour de France à finir. Aujourd'hui, le galant n’apparaît rien de moins qu'un séducteur irresponsable. Et pourtant c'est l'attitude de la fille qui est mise en cause par la chanson.
Pour écouter la chanson et lire la suite :


Cette histoire, collectée par Fernand Guériff entre l'estuaire de la Vilaine et la presqu'ile Guérandaise, n'est pas très répandue, sous cette forme. Eugène Rolland, au 19ème siècle (1), en a publié une autre version « des environs de Lorient » qui rentre directement dans le vif du sujet sans évoquer l'épisode de la séduction. On y présente directement la fille qui a mal passé son temps et que tout le monde montre du doigt. Pour le reste le déroulement est identique : Le galant offre de l'argent pour nourrir l'enfant (2) et repousse l'offre de mariage au motif que si elle est enceinte c'est qu'elle l'a bien voulu ! Pas très logique tout ça.
Autre différence entre les deux versions : si celle du Morbihan finit sur un couplet faussement moralisateur à propos de l'honneur perdu, dans notre version c'est la jeune fille qui a le dernier mot en maudissant ce « garçon de merveille » qui l'abandonne après avoir obtenu d'elle ce qu'il voulait. Qu'il périsse en passant la rivière n'est pas l'annonce d'une noyade. Dans les chansons ce terme désigne plus sûrement les relations sexuelles hors mariage. Il faudrait donc comprendre que vouloir mener une vie de Don Juan causera sa perte. Ce qui change complètement la morale finale de la chanson.

notes
1 – Recueil de chansons populaires par E. Rolland, tome 1, page 135 (paru en 1883)
2 - le Lorientais est plus généreux que le Guérandais: six cent francs !

interprète : Roland Guillou
source : Le trésor des chansons populaires du pays de Guérande, volume III, de Fernand Guériff (p. 163) collectage : Fernand Guériff - informateur : Georges Le Quimener, à Quimiac, le 5 août 1952
catalogue P. Coirault : La fille qui a mal passé son temps (Enceintes – N° 02313)



C'était un garçon de merveille
Faisant l'amour à une brune
Ont fait l'amour ensemble
Il a charmé son cœur
Et la pauvre fillette
A perdu son honneur

Là, elle s'en va trouver sa mère
La tête baissée, les yeux en pleurs
Ma mère, ma bonne mère
Retire-moi ce mal :
Ah, grand Dieu que je souffre
Depuis ce carnaval

La parole ne fut pas trop dite
Le beau galant vint à rentrer
Il tira sa boursette
Et lui compta cinq cent francs :
Tiens, voilà ma brunette
Tu nourriras l'enfant

Oh, galant, prends-moi z'en mariage
Comme tu m’l'avais si bien promis
Ou bien prends ton épée
Traverse-moi le cœur
Je l'ai bien mérité
J'ai perdu mon honneur

Si ton honneur il est perdu
C'est parce que tu l'as bien voulu
Il fallait rester sage
Sage chez tes parents
Et tu aurais, la belle
Tous tes beaux agréments

Mon cher amant, toi, tu t'en vas
Et tu me laisses dans l'embarras
T’as eu mon cœur en gage
Maintenant, tu t'en vas
En passant la rivière

Galant, tu périras !

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