Le premier vers de cette chanson est
particulièrement trompeur sur le reste de l'histoire. Il y est
question d'un garçon sortant de l'ordinaire, alors que tout le
propos de cette chanson se rapporte aux malheurs d'une fille enceinte
et délaissée. Trompeur comme le sont les garçons dans les chansons
traditionnelles ? Pour un moment de plaisir dans la vie, on
sent bien qu'elle va s'en repentir. Ce n'est pas la première fois
que nous sommes confrontés à cette situation du galant qui n'assume
pas ses responsabilités. Le compagnon « honnête » de
notre chanson n° 131, laissait lui aussi sa belle avec un enfant sur
les bras en lui assurant qu'elle n'aurait aucun mal à trouver un
mari ! Ce compagnon avait au moins l'excuse d'un tour de France
à finir. Aujourd'hui, le galant n’apparaît rien de moins qu'un
séducteur irresponsable. Et pourtant c'est l'attitude de la fille
qui est mise en cause par la chanson.
Pour écouter la chanson et lire la
suite :
Cette histoire, collectée par Fernand
Guériff entre l'estuaire de la Vilaine et la presqu'ile Guérandaise,
n'est pas très répandue, sous cette forme. Eugène Rolland, au
19ème siècle (1), en a publié une autre version « des
environs de Lorient » qui rentre directement dans le vif du
sujet sans évoquer l'épisode de la séduction. On y présente
directement la fille qui a mal passé son temps et que tout le monde
montre du doigt. Pour le reste le déroulement est identique :
Le galant offre de l'argent pour nourrir l'enfant (2) et repousse
l'offre de mariage au motif que si elle est enceinte c'est qu'elle
l'a bien voulu ! Pas très logique tout ça.
Autre différence entre les deux
versions : si celle du Morbihan finit sur un couplet faussement
moralisateur à propos de l'honneur perdu, dans notre version c'est
la jeune fille qui a le dernier mot en maudissant ce « garçon
de merveille » qui l'abandonne après avoir obtenu d'elle ce
qu'il voulait. Qu'il périsse en passant la rivière n'est pas
l'annonce d'une noyade. Dans les chansons ce terme désigne plus
sûrement les relations sexuelles hors mariage. Il faudrait donc
comprendre que vouloir mener une vie de Don Juan causera sa perte. Ce
qui change complètement la morale finale de la chanson.
notes
1 – Recueil de chansons populaires
par E. Rolland, tome 1, page 135 (paru en 1883)
2 - le Lorientais est plus généreux
que le Guérandais: six cent francs !
interprète : Roland
Guillou
source : Le trésor des
chansons populaires du pays de Guérande, volume III, de Fernand
Guériff (p. 163) collectage : Fernand Guériff - informateur :
Georges Le Quimener, à Quimiac, le 5 août 1952
catalogue P. Coirault : La
fille qui a mal passé son temps (Enceintes – N° 02313)
C'était un garçon de merveille
Faisant l'amour à une brune
Ont fait l'amour ensemble
Il a charmé son cœur
Et la pauvre fillette
A perdu son honneur
Là, elle s'en va trouver sa mère
La tête baissée, les yeux en pleurs
Ma mère, ma bonne mère
Retire-moi ce mal :
Ah, grand Dieu que je souffre
Depuis ce carnaval
La parole ne fut pas trop dite
Le beau galant vint à rentrer
Il tira sa boursette
Et lui compta cinq cent francs :
Tiens, voilà ma brunette
Tu nourriras l'enfant
Oh, galant, prends-moi z'en mariage
Comme tu m’l'avais si bien promis
Ou bien prends ton épée
Traverse-moi le cœur
Je l'ai bien mérité
J'ai perdu mon honneur
Si ton honneur il est perdu
C'est parce que tu l'as bien voulu
Il fallait rester sage
Sage chez tes parents
Et tu aurais, la belle
Tous tes beaux agréments
Mon cher amant, toi, tu t'en vas
Et tu me laisses dans l'embarras
T’as eu mon cœur en gage
Maintenant, tu t'en vas
En passant la rivière
Galant, tu périras !
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