samedi 17 octobre 2015

123 - Au pied d’un lilas blanc

Des siècles de rivalité avec les gens d'outre manche ont laissé des traces dans les chansons traditionnelles. Si la famille royale est aujourd'hui un des meilleurs arguments de vente de la presse « people », la tradition populaire n'a jamais raté une occasion de la brocarder : batailles navales et suprématie des mers, mariages princiers forcés, relations amoureuses... C'est justement en buvant à la santé des amoureux qu'on a pris l'habitude de réserver à la reine d'Angleterre une expression que notre célébrité locale le général Cambronne (1) servit sur un plateau à ses troupes.
Maintenant qu'un tunnel a fait d'Albion une presqu'ile, après des siècles d'isolement, on a tendance à oublier que notre territoire fut l'objet d'affrontements plutôt longs où la présence des troupes anglaises sur le continent était constante. On parlait français à la cour d'Angleterre et une bonne partie de ces troupes venait de vassaux français ralliés à la cause, parfois épisodiquement.
Bref, l'intervention de ce souverain étranger dans une chanson française n'a rien d'étonnant. Le sujet précis de la discorde l'est un peu plus.
Pour lire la suite et écouter la chanson



Les spéculations sur son origine ne manquent pas. Certains y voient des allusions à Jeanne d'Arc ; d'autres la font remonter à la guerre de cent ans ou même à Richard Cœur de Lion. Aucun fait précis n'est identifiable dans cette chanson qui a vécu sa vie depuis l'anecdote historique jusqu'à la ronde enfantine. Elle est connue à peu près partout, avec des refrains variés :
Diguedon capitaine don, se retrouve aussi dans la version chantée par Gisèle Gallais (2)
Diguedon tralala ou digue digue tralala, en Ille et Vilaine, en Brière et dans la Presqu'ile Guérandaise
Que dit que donc, que dit elle donc, en Vendée et jusqu'à l'autre bout du pays
La version du Pays de Retz donnée par Poiraud est plus originale avec j'aime les mariniers sur terre et sur mer, j'aime les matelots sur terre et sur l'eau.
La principale différence de notre version avec les autres est qu'ici c'est la belle qui meurt. Habituellement c'est le roi qui passe de vie à trépas, victime de la quenouillette, une arme terrible ! Ça ne semble pas sérieux ; ça l'est encore moins quand le roi finit enterré dans un champ de pommes de terre !
Et puisque ce combat déséquilibré tourne à l'avantage de la fille dédaignée, certaines versions en rajoutent dans le genre guerre pour cours de récréation. Par exemple  :
oh non je ne suis pas mort, j'irai au bal ce soir
A quel bal iras tu ? Au bal des demoiselles
Laquelle prendras tu ? Celle qui m'a fait la guerre
Même pas mal !

Peut être avez vous remarqué que cette chanson est extraite du répertoire de Clémentine Jouin, native de Sixt sur Aff (35) mais résidant à Avessac (44). Ce choix n'est pas étranger à la sortie prochaine du CD 'Clémentine Jouin, chanteuse du pays de Redon' édité par Dastum, qui sera présenté en avant-première à la Bogue le dimanche 25 octobre.


Notes
1 – le héros involontaire de Waterloo est originaire de Saint Sébastien sur Loire. Particularité : finit ses jours marié à une anglaise.
2 – Gisèle Gallais – répertoire d'une chanteuse de Haute Bretagne – édité par Dastum et les Presses Universitaires de Rennes en 2014

Source : Clémentine Jouin, d'Avessac, collectée par Mathieu Hamon
interprète : Daniel Lehuédé
catalogue P. Coirault : La bergère et le roi d’Angleterre (Bergères et rois - N° 03809)
catalogue C. Laforte : Les trois filles et le roi d’Angleterre (I, C-01)

Au pied d’un lilas blanc

Au pied d'un lilas blanc y'avait une fontaine
Diguedon, capitaine don
Au pied d'un lilas blanc y'avait une fontaine

Où allaient s'y mirer trois jolies demoiselles
Diguedon, capitaine don…

Un jour vint à passer le p’tit roi d'Angleterre…

Il en salua deux mais laissa la troisième…

Pourquoi m’salues-tu pas, moi qui suis la plus vieille…

Je ne te salue pas parce que tu es fidèle…

Si tu n'étais point roi je t'y ferais la guerre…

Même que je suis roi, fais-me-la donc quand même…

Alors prends ton épée et moi ma quenouillère…

Au premier coup d'épée, la belle tomba morte…

Où l'enterrerons nous, dit le roi d'Angleterre…


Au pied d'un lilas blanc, au jardin de son père…

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