vendredi 11 septembre 2015

119 - Voila ma journée faite

Délaissant pour une fois, nos sources enregistrées et les publications locales, nous sommes allés chercher cette chanson dans un recueil publié à Paris en 1910. Dans Chansons de métiers (1), Paul Olivier a regroupé environ 400 chansons associées au travail «  Soit qu'elles se chantent durant la tâche et s'appliquent à reproduire par la mélodie le rythme du travail auquel elles s'associent... soit qu'elles se chantent par pur délassement en dehors du travail dont elles sont la glorification et la manifestation extérieure ». Les chansons de la première catégorie sont plutôt rares, hors du milieu maritime (2). Celle ci est donc bien un divertissement d'après travail. Olivier la classe à la rubrique ouvriers d'usine et donne pour origine : Indret. Bien qu'il ne cite pas ses sources, d'autres collectes effectuées sur le même secteur confirment l'existence de versions proches.
pour lire la suite et écouter la chanson

L'arsenal d'Indret est sur la commune d'Indre, mais sur la rive sud de la Loire. Après avoir accueilli des moines, puis un château, le site accueille en 1777 une fabrique royale de canons. Depuis 1821 l'arsenal d'Indret se consacre à la production d'équipements pour la marine, moteurs en particulier. Il emploie jusqu'à 2000 personnes. Aujourd'hui le site est toujours occupé par cette activité, reprise par l'entreprise DCNS.
Bref, après leur journée faite, les ouvriers de l'arsenal sortent en chantant. Car il est bien connu que l'heure de la sortie, tout au long de l'année, c'est l'meilleur moment de la journée (3). Les couplets appartiennent à toute cette série d'histoires où le galant se laisse intimider par les pleurs de la belle qui, pour s'échapper, prétexte d'avoir à soigner une mère malade. Ce thème a été chanté sur tous les tons. Le texte publié ici est donc proche de versions notées au sud de la Loire (4) par Armand Guéraud. La mélodie devrait vous rappeler une autre chanson si vous fréquentez ce blog depuis sa création. Reportez vous à la version du prisonnier de Nantes (n° 27 – octobre 2013), originaire elle aussi du pays de Retz.
Pourtant, cette chanson nous laisse un peu sur notre faim. On sent qu'il manque un épisode entre l'avant dernier et le dernier couplet. Habituellement, la belle se moque du galant avec des propos du genre :
Quand tu tenais la caille
Il fallait la plumer
Mais il ne faut pas trop en demander à une compilation de chants liés au travail. La présence de cette chanson parmi toutes celles consacrées à un métier n'est sans doute là que pour justifier une rubrique « ouvriers d'usine ». Cette rubrique est complétée par deux autres chansons : les soudeux d'haricots verts, version de la fille et des trois jolis mineurs (n° 57 de mai 2014 dans ce blog) pour la conserverie, et la chanson revendicative Ali, Alo pour Maschero, bien connue du coté de Dunkerque, sur laquelle des ouvriers d'usine flamands sont censés « improviser en travaillant ».

Notes
1 - Chansons de métiers – Paul Olivier – librairie Charpentier et Fasquelle Paris 1910 – consultable sur le site de la BNF « Gallica »
2 – Ça se discute ; mais on a pas la place ici.
3 – faire référence à Sheila dans un blog sur la chanson traditionnelle, faut le faire ! Allez jusqu'au bout de cet article; un cadeau bonus vous attend.
4 – il est question ici de la Loire-Atlantique. Nous ne faisons pas de prévisions météorologiques. Pour les références à Guéraud  : voir notre fiche bibliographique

source : Chansons de métiers – Paul Olivier – librairie Charpentier et Fasquelle Paris 1910 – page 250
interprète : Jean-Louis Auneau
catalogues : Coirault n° 1905 le galant intimidé par les pleurs de la belle – Laforte 1-K-8 l'occasion manquée

Voila ma journée faite
saute de la ri tra la la
Voila ma journée faite
Je vais m'y promener
Je vais m'y promener, voyez
Je vais m'y promener

Dans mon chemin rencontre
Une jeune fille à mon gré

La prends par sa main blanche
Je la mène à danser

Quand elle fut dans la danse
Elle s'est mise à pleurer

J'ai ma mère malade
Faut que j'vais la soigner

Quand elle sera plus malade
Je reviendrai danser

Et moi garçon honnête
Je la laissai aller

Quand elle fut dans la plaine
Elle s'est mise à chanter

Tais toi petite sotte
Je saurai t’attraper



Cette photo, trouvée sur le forum des cabrettaires, est probablement parue dans le magazine "Mademoiselle Age Tendre" en 1963.

Et une seconde à la cabrette cette fois.
Merci à Denis, du blog cabrette coz, qui nous a communiqué ces infos.

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