mercredi 16 avril 2025

479 - Un petit coq et une poule

 C'est une des questions existentielles qui hante philosophes, généticiens et autres amuseurs publics depuis la nuit des temps : qui donc, de l'oeuf ou de la poule était là le premier ? Ce serait oublier bien vite qu'un troisième personnage a eu son rôle à jouer dans l'affaire. Heureusement, la chanson traditionnelle est là pour remettre les choses en place ; et aussi pour nous rappeler que sans les sentiments, la vie matérielle n'aurait guère de sens ni d'intérêt. Sans atteindre l'intensité dramatique des conflits entre Montaigus et Capulets, voici une aventure amoureuse qui mérite notre attention.

Pour écouter la chanson et lire la suite :

Cette histoire sans fin d'œuf et de poule servait de thème à notre session mensuelle de chants, accueillie comme chaque troisième mardi du mois, par le bistro « Mon Oncle » à Nantes. Poules , coqs, poussins, poulets, œufs au nid ou dans l'omelette...ce ne sont pas les chansons qui manquent dans ce répertoire. Une bonne occasion pour redonner vie à celle ci, assez peu entendue d'ordinaire.

Certains puristes nous rappellent qu'il ne faudrait jamais se livrer à des montages de textes ou de mélodies et considérer chaque version d'une chanson comme un objet unique. Au cas présent, l'observation de ce principe nous aurait privé d'une histoire complète. La chanson qui nous a servi de base, avec sa mélodie, ne comportait que trois couplets. Il aurait été dommage de ne pas utiliser les seuls autres recueils disponibles dans notre secteur pour vous livrer une histoire avec tout son sens et ses développements.

Or donc, c'est sur la base d'une chanson enregistrée dans les années 80 et publiée par le groupe celtique de Nort sur Erdre (1) que nous avons rebâti ce texte. Pour y parvenir nous avons fait appel aux notes d'Abel Soreau, dont nous venons de publier les œuvres complètes sous leur titre original « Vieilles chansons du Pays Nantais » (2). Recueillie en 1894, sa mélodie est très proche, bien que d'une origine un peu éloignée dans le temps comme dans l'espace. Enfin, les paroles manquantes ont été extraites des collectes d'Hervé Dréan, à Férel (3) dans les années 1970. Une façon de boucler la boucle puisqu'Hervé est, avec Hugo Aribart, l'un des deux responsables de la publication des collectes d'Abel Soreau.

Le catalogue de notre cher Patrice Coirault n'a retenu qu'un tout petit nombre de versions de cette chanson. Soit parce qu'il n'avait pas accès aux données (c'est le cas pour Soreau) soit parce qu'elles ont été collectées plus récemment. En revanche il en situe l'origine dans la littérature de colportage, ce qui sous entend un passage de l'écrit à la tradition orale. Quoi qu'il en soit, cette histoire a été adoptée par les chanteurs et chanteuses de l'ouest puisqu'on en trouve des versions dans toute la Haute-Bretagne mais aussi en Mayenne, Vendée et Deux-Sèvres.

Pour entendre une autre interprétation de ce thème, bien plus arrangée, il vous faudra acquérir le plus récent CD du duo D'Aviau, « lâcher de sonnous »(4).

Notez au passage que nous tenons là une chanson d'amour qui, pour une fois, finit bien. Le fait qu'elle prenne la forme d'une fable mettant en scène des animaux n'ôte rien à son caractère moral.


notes :

1 – rendons hommage à ceux et celles qui y ont participé : Jacques Herry, Jacky Carré, Anne Carré, Jean-Marc Bourneuf, Gérard Ménard, Marcel Rousseau et Georges Gérard.

2 – pour les mal voyants, mal entendants, mal comprenants ou autres personnes arrivées ici par hasard : les deux tomes des collectes d'Abel Soreau, dont nous vous rebattons les oreilles depuis plusieurs mois sont disponibles à la commande ici.

3 – commune du Morbihan, mais située de ce coté de l'estuaire de la Vilaine

4 – duo.daviau.org / duodaviau@gmail.com


interprète : Jean-Louis Auneau

sources : chanté le 16 avril 1984 par Mme Marguerite Lemaitre à Saffré ; publié par le groupe celtique de Nort sur Erdre : « chant du peuple de Haute Bretagne » (1985)

adapté avec les versions de

Marie Roulaud, de Saint-Père-en-Retz recueillie le 21 avril 1894 et publiée dans les vieilles chansons du pays nantais recueillies par Abel Soreau (ed. Dastum 44 – 2024) n°407, p.975 Henriette Quistrebert, enregistrée par Hervé Dréan en 1975 à Férel (56), publié dans « Instants de mémoire » (vol 1 – p. 53)

catalogue Coirault : le coq et la poulette (11329 – satiriques et plaisantes)


Ecoutez bien garçons et filles

J'ai l'honneur de vous présenter

Une chanson qui est fort gentille

Que tout le monde en sont charmés

Ce petit coq et cette poule

Vous m'entendez, vous m'entendez

Faisaient l'amour je vous le jure

De tous côtés, de tous cotés


Le coq et la jeune poulette

Etaient tous deux proches voisins

Je vous assure et je vous jure

Que d'amour ils n'en manquaient point

Ils s'en allaient tous deux ensemble

Bien gentiment, bien gentiment

En engageant leurs camarades

D'en faire autant, d'en faire autant


Le père Simon s'met en colère

A dit un jour à son voisin

Votre coq emmène ma poulette

De tous côtés dans les jardins

Mais ce commerce ne me plait guère

Mettez y ordre je vous en prie

Mais renfermez votre poulette

Dès aujourd'hui, dès aujourd'hui


La petite poulette fut mise en cage

Par ordre du père Simon

Pour lui apprendre à être sage

Et soutenir son grand renom

Elle est en cage, elle est malade

Elle ne veut plus manger

Elle pense toujours au coq qui chante

Son bien-aimé, son bien aimé


Là elle a beau être mourante

Elle regrette son cher ami

Ramenez-moi mon coq qui chante

Et bientôt Je s'rai guérie

Il a fallu malgré son maître

Lui redonner sa liberté

Ou bien sans quoi la pauvre poule

L'amour l'aurait fait succomber

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